samedi 19 décembre 2015

VIDÉO > Portrait de Serigne Mouhamadou Falilou MBACKE. Regardez!



vendredi 4 décembre 2015

Jusqu’en Chine pour célébrer le Magal (par Alhassane Diop)

A Shenyang, ville située au nord-est de la Chine, dans la province du Liaoning, le Magal de Touba à l’initiative d’un groupe d’étudiants dirigé par le «Jëwriñ» Pape KA.

Certes, il ne s’agit pas du premier Magal organisé en terre chinoise par la
communauté des immigrés mouride. En effet, la ville de Guangzhou, fief traditionnel des africains de Chine connait ce genre d’évènements depuis au moins une décennie. Par contre, l’édition de cette année aura fait tâche d’huile dans d’autres villes comme Shenyang, Beijing et Shanghai.

Au delà du caractère spirituel de l’évènement, le plus séduisant a été l’initiative spontanée émanant d’étudiantes et d’étudiants aux ressources certes peu abondantes, mais à l’intention si noble et grande que finalement les petits plats ont été mis dans les grands. Le temps d’une nuit donc, l’université du Liaoning aura été le rendez-vous de bon nombre de sénégalais, d’africains voire de citoyens du monde, toutes confessions et races confondues pour psalmodier le nom du Divin à travers des mélodies rythmiques du Coran et des Khassidas tels que Assiiru de Cheikh Ahmadou Bamba et Wassilatul Muna(Taïssiir) de Cheikh Seydil Hadj Malick SY sans oublier les milliers de prières sur le Prophète(salaatul alal Naby), devant un parterre d’invités médusés de voir tant de ferveur et de cordialité.
Il s’agit là, d’une victoire de toute la Uma islamique car ces musulmans sénégalais montrent par ce geste que l’Islam au delà d’être une religion, constitue un projet de société fondé sur des valeurs cardinales et universelles de paix, de tolérance et d’acceptation de la différence. Disons donc que ce petit pays que l’écrasante majorité des chinois n’arrive pas à situer sur un planisphère et dont l’ensemble de la population équivaut à peine à celle d’une ville de l’empire du milieu de taille moyenne doit dans ce renouveau sociologique et cette redistribution géopolitique des cartes au niveau mondial, assumer et jouer pleinement son rôle de promoteur d’une paix et d’une stabilité sociale basées sur un dialogue des confessions, quelles qu’elles soient, et fondées sur une société dont la géographie a certes favorisé le brassage des ethnies la composant, mais aussi qui a eu le mérite de transcender les clivages claniques et tribaux. Pour un pays à écrasante majorité musulmane et ayant été dirigé pendant plus de vingt ans par un président appartenant à la fois à une religion et une ethnie minoritaires, un des piliers fondamentaux de cette stabilité est à rechercher dans le caractère confrérique de son islam.
En effet, à la différence de celui pratiqué dans la plupart des pays arabes, l’Islam en terre sénégalaise s’enracine dans cette quête intérieure de Dieu qu’est le soufisme, encadré par un leadership maraboutique qui a su endogénéiser cette religion qui nous est venue d’outre-mer. Qu’est-ce donc ce courant de l’islam que le Professeur Souleymane Bachir DIAGNE décrit comme étant la fâce de l’islam en état d’adaptation permanente?
Le soufisme est cette branche ésotérique de l’islam qui prône l’unicité de Dieu «Al Haqiqa» à partir de la «Sharia» à travers la «Tariqa».  Au Sénégal, il nous est parvenu grâce notamment à deux voies que sont d’abord la Tijaniya amenée par Cheikh Oumar Foutiyou TALL et ensuite la Qadriya amenée par Cheikhna Cheikh Saadbouh AIDARA et Mame Cheikh Bou Mouhamed KOUNTA. Bien que le natif de Alwaar eût recouru à la guerre sainte pour l’installer et ainsi faire du Fuuta ledaarul islam dont il rêvait en réformant les moeurs et en revivifiant la foi, il faut reconnaître qu’il avait trouvé un socle religieux et spirituel construit depuis l’épopée des Almoravides puis de celle de Khaly Amar FALL, fondateur de l’université de Pire et autre Ahmed BABA et que la révolution Tooroodo de Thierno Souleymane BAAL de 1776 a réussi à préserver en la purgeant de l’érosion dont il commençait à être victime.
La génération des Cheikhs comme Ahmadou Bamba, Elhadj Malick SY, Elhadj Abdoulaye NIASS, Seydina Limamou LAYE et autre Cheikhna Cheikh Saadbouh aura eu le mérite de le réadapter dans un contexte colonial où la mitraillette à manivelle avait fini d’annihiler les projets des successeurs de Cheikh Oumar comme Tafsir Maba Diakhou BA ou encore Mamadou Lamine DRAME. Dès lors, la phase d’imprégnation de cet ésotérisme au Sénégal fut parachevée. De nos jours, des évènements phares marquent sa vie comme le Magal de Touba, les Gamous de Tivavouane, Kaolack & Ndiassane, l’appel des Layènes ou encore le Dakka de Médina Gounass.
Pour autant qu’ils soient des ambassadeurs du Sénégal en Chine, un défi majeur pointe à l’horizon pour ces étudiants: y exporter le modèle d’islam sénégalais. Sans avoir la prétention de montrer un quelconque modus operandi, disons qu’il passera nécessairement par la pérennisation de ce genre de rendez-vous enrichis par la traduction en mandarin des écrits de ces savants et l’exemplarité dans le comportement de ces jeunes.
Pour se faire, Serigne Touba nous en donne une parfaite illustration de ce que doit être son modèle achevé dans son immense Tazawudu Sikhar: «Ô vous les adolescents! Ne vous préoccupez que de droiture, évertuez-vous à la recherche du savoir. Efforcez-vous d’assimiler et de réviser (vos leçons), fuyez les assemblées qui entraînent la perdition. Attachez-vous à quelqu’un qui ne cesse d’adorer son seigneur, afin qu’il vous guide dans Sa Voie Droite. Quiconque se hâte dans sa jeunesse d’emprunter le Droit Chemin, bénéficiera de la quiétude quand il sera grand. Celui qui compense ce qu’il a perdu dans la vanité et se consacre à vivifier le temps, par un repentir sincère, se tournant résolument vers DIEU, atteindra la perfection. Attachez-vous à ces conseils que je vous prodigue, vous aurez alors un bénéfice certain Ici-bas et dans l’Au-delà, en compagnie des bienheureux.»

samedi 28 novembre 2015

SENS ET HISTORIQUE DU MAGAL DE TOUBA [Par A. Aziz Mbacke Majalis]

A l'occasion de la célébration du Magal de Touba dans quelques jours, nous vous proposons un bref rappel des circonstances historiques et des étapes à la base de cet événement majeur.
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ARRESTATION DE CHEIKH AHMADOU BAMBA (10 Août 1895)

Sur la base des suspicions envers Cheikh A. Bamba, le Gouverneur Général français du Sénégal, M. Mouttet, convoqua le Saint Homme à Saint-Louis (capitale de la colonie du Sénégal), puis envoya une importante troupe militaire, dirigée en partie par des chefs indigènes, vers le village de Mbacké-Bari.
Cheikh A. Bamba décida de marcher vers l’armée coloniale française et rencontra ainsi l’émissaire du Gouverneur dans le village de Jéwol (Louga), le Samedi 10 Août 1895, correspondant au 18 Safar 1313 de l’Hégire.
Un tournant important de l’histoire du Mouridisme. Un jour plus tard reconnu comme celui du Màggal (Commémoration) annuel de Touba. Car de telles épreuves préfiguraient déjà, dans la perspective spirituelle de Cheikh A. Bamba, le succès et la rétribution divine se dissimulant dans les futurs périls et souffrances sur la Voie de Dieu.

LE MAGAL DE TOUBA
Tous les ans, près de 3 millions de Mourides et de visiteurs, provenant d’un peu partout à travers le monde, se rendent dans la ville sainte de Touba, pour célébrer le Màggal (retranscrit aussi « Magal »), en tant que jour de grâce à Dieu et d’hommage à l’œuvre de Cheikh A. Bamba.
Durant 2 à 3 jours, Touba devient ainsi le cœur du Sénégal. Les habitants de la ville sainte, les dignitaires et Dahiras (associations) Mourides accueillent les visiteurs, avec des repas gratuits (« berndé »), organisent des conférences religieuses, des séances de lecture du Coran et de chants des poèmes de Cheikh A. Bamba (« Kurèl ») etc. Aujourd’hui, le Magal est devenu le carrefour économique le plus important du pays et l’un des plus grands centres d’échanges commerciaux pour des milliers d’entreprises et de commerçants du Sénégal et de l’Afrique de l’Ouest.
ACCUSATION DE JIHAD
Cheikh A. Bamba fut arrêté puis mis en prison à Saint-Louis. Le 5 Septembre 1895, le Conseil Privé colonial décida de l’exiler au Gabon, sous la fausse accusation qu’il était en train de préparer un Jihâd armé contre les colons français.
L'hagiographie rapporte qu'il demeura très serein devant les charges retenues contre lui et signa au bas du procès-verbal qui lui fut présenté, la sourate Al-Ikhlâs du Coran, symbolisant l’Unicité absolue de Dieu. Le rapport final du Conseil Privé statua : « Il y avait lieu d’exiler Cheikh A.Bamba au Gabon, jusqu’à ce que l’agitation causée par ses enseignements soit [complètement] oubliée au Sénégal. »
Au cours de la détention de Cheikh A. Bamba à Saint-Louis, des dignitaires religieux de la ville, affligés par la décision prise en son encontre, lui suggérèrent d’interjeter appel ; ce à quoi il ne consentit point, en leur répondant avec sérénité : « Je me suffis de Dieu, en dehors d’un quelconque autre maître. Je me suffis du Prophète Muhammad, en dehors d’un quelconque autre intermédiaire. »
L'EXIL
Le 19 Septembre 1895, Cheikh A. Bamba quitta Saint-Louis sous escorte, et fut acheminé par train vers Dakar. A son arrivée, Cheikh A. Bamba, alors à jeun, fut convoqué par le Gouverneur de Dakar qui l’obligea à passer cette nuit dans une cellule sombre et répugnante qui le rebuta si profondément qu’il avoua : « A chaque fois que je me souviens de mon séjour dans cette prison infecte et de l’injustice de ce gouverneur, j’éprouve subitement l’envie de faire la guerre par les armes. Mais le Prophète lui-même m’en a dissuadé... »
Le Dimanche 21 Septembre 1895, Cheikh A. Bamba embarqua à bord du bateau « Ville de Pernambouc » qui l’achemina aux contrées fort éloignées et très hostiles du Gabon.
SEPT ANNÉES AU GABON (1895-1902)
Une fois au Gabon, Cheikh A. Bamba fut soumis à toutes sortes de brimades physiques et psychologiques, à travers ses différents séjours à Mayumba (5 ans), Lambéréné, Libreville etc.
La chaleur, l’humidité tropicale, les menaces permanentes de maladies, la nostalgie et la solitude de ces lieux furent ses seuls compagnons durant ces années fort éprouvantes. Les moments les plus difficiles de la vie de Cheikh A. Bamba et l’épisode le plus marquant de l’hagiographie populaire mouride. Ce sentiment d’isolement et de nostalgie de Cheikh A. Bamba envers les siens transparaît fortement dans les nombreux écrits de cette époque, qui démontrent en même temps sa foi et sa confiance inébranlable en son Seigneur.
Dans un dialogue solitaire et fort émouvant avec les éléments, il écrivit : « O Océan de Mayumba ! Témoigne que je me suis entièrement soumis à Dieu et que je demeure à jamais le Serviteur du Prophète (PSL). »
LE RETOUR D'EXIL (1902)
Au cours des années d’ « exil en mer », la communauté mouride naissante fit face à de nombreuses épreuves. Le bannissement de leur guide hors du pays avait ébranlé la force d’engagement de certains qui, ayant perdu tout espoir de retour de celui-ci, firent défection en petits groupes. Ceux qui étaient restés se rassemblèrent autour des « cheikhs » désignés par Cheikh A. Bamba avant son départ (à l’instar de son petit frère et bras-droit, Mame Thierno Ibrahim) pour les diriger.
Les efforts constants de Cheikh Ibrahima Fall (l’un des disciples les plus éminents de Cheikh A. Bamba) en vue de démontrer son innocence produisirent bientôt des résultats. Il réussit ainsi à convaincre Carpot, un candidat métis à la représentation du Sénégal au Parlement français, de l’innocence de Cheikh A. Bamba.
Carpot promis de le réhabiliter une fois élu. Après son élection, le député parvint à obtenir la réouverture du dossier de Cheikh A. Bamba et sa réhabilitation. Cheikh A. Bamba rentra ainsi au Sénégal, à bord du paquebot « Ville de Maceïo », le mardi 11 Novembre 1902, après 7 années d’exil.
Son retour provoqua une joie populaire indescriptible au port de Dakar. La nouvelle du « Saint qui retourna des lieux d’où nul se revenait, tel qu’il l’a prédit » se répandit bientôt dans tout le pays et provoqua l'exaltation extraordinaire de tous ses disciples.
Les ennemis ont-ils réussi à faire « oublier » ses enseignements au Sénégal ?
[Extraits de l'Exposition Internationale sur la Non-violence en Islam de Columbia University : « Cheikh A. Bamba : Un Artisan Musulman de la Paix »]

LES 12 GRANDES ÉTAPES DE LA VIE DE CHEIKH AHMADOU BAMBA

1. 1853 Naissance à Mbacké-Baol

2. 1888 Fondation de la Ville Sainte de Touba

3. 1895 (août) Arrestation à Diéwol

4. 1895 (septembre) Procès et Condamnation à l’exil forcé





5. 1895 (septembre) Expatriation à Mayomba (Gabon)



6. 1902 Retour Triomphal au Sénégal



7. 1903 Déportation en Mauritanie



8. 1907 Assignation à résidence à Thiéyéne



9. 1912 Résidence surveillée à Diourbel



10. 1919 Refus d'être décoré de la Croix de la Légion d’Honneur française : «je suis le captif de Dieu. Et ne reconnais d’autres autorités que la Sienne. Ma récompense incombe au Donateur, qui est Noble Majesté pour le service que je rends à l’Élu. Lequel est pourtant le donateur par excellence».



11. 1925 Requête auprès du pouvoir coloniale pour la construction de la Mosquée de Touba



12. 1927 Cheikh Ahmadou Bamba est rappelé auprès de Son Seigneur
Le Conseil de Famille désigna Cheikh Mouhamadou Moustapha, son fils aîné, pour lui succéder.

vendredi 27 novembre 2015

Photos exceptionnelles : La Grande Mosquée de Touba, un chef-d’œuvre architectural sublimé d'or et de marbres

Un véritable chef-d’œuvre architectural vu de l’extérieur. La grande mosquée offre une vue  tout aussi splendide une fois à l'intérieur l’intérieur. Elle s'apprête à accueillir des millions de fidèles lors du Magal annuel prévu le 1er décembre 2015. Inauguré le 7 juin 1963 par Mouhamadou Fadilou Mbacké, deuxième khalife des mourides, l'ouvrage ne cesse de subir des travaux d'embelissements. « Cette maison de Dieu » ne cesse de recevoir les honneurs des différents khalifes de Touba.



Serigne Sidy Mokhtar Mbacké qui a initié des travaux d’embellissement en début d'année 2015 s’inscrit dans cette dynamique. Ainsi ces images d’une beauté féerique de l’intérieur de la grande mosquée offre une vue splendide, de ce qui est l'une des plus grandes oeuvres humaines. Sur ces photos, on peut voir le marbre qui recouvre les murailles de la grande mosquée, minimisant la portée de la chaleur et les risques de dégradation. Certains coins des minarets sont incrustés d’or favorisant une vision exceptionnelle vue de loin. En somme, à quelques jours du Magal, Senejet vous plonge déjà dans l'univers de la Mosquée de Serigne Touba avec ce reportage photo exceptionnel sur la grande mosquée de Touba. Admirez..


jeudi 26 novembre 2015

Carnet de route du Magal de Touba: dans l’antre de «Niary Baye Fall»

Touba est le point d’attraction des fidèles mourides. «Niary Baye Fall» à Mbacké est le point de chute des Bayes Fall. Cette résidence, terre d’accueil des petits-fils et disciples de Mame Cheikh Ibra Fall a pris d’assaut par des milliers d’individus venant des divers coins de la planète. Les Bayes Fall expatriés ne ratent pour rien au monde l’occasion de passer le grand Magal de Touba à Niary Baye Fall où les zikrs envahissent l’atmosphère et enveloppent Mourides et Bayes Fall dans une ferveur indescriptible. Focus dans cet autre monde.

C’est un repère très connu des fidèles Mourides. «Niary Baye Fall» est le bastion des disciples de Mame Cheikh Ibrahima Fall, l’un des très fidèles compagnons de Cheikh Ahmadou Bamba. Il est situé à l’entrée de la ville de Mbacké à sept kilomètres de la cité religieuse, Touba (195km au centre). «Niary Baye Fall» se singularise par l’immensité de la demeure mais aussi la représentation par un dessin de deux Bayes Fall avec leur mortier à l’entrée comme des soldats en faction.

La philosophie des descendants de Lamp Fall

A l’image des autres, ces adeptes de Cheikh Ahmadou Bamba et de la confrérie du Mouridisme se reconnaissent avec leurs dreadlocks, leurs habits multi couleurs et une ceinture à la taille. Très souvent, ils ne mettent pas de chaussures. Ils vouent un pouvoir total et une croyance absolue en Dieu et au marabout. La philosophie du Baye Fall est détachée de toutes possessions matérielles. «Tout se partage, le don de soi est naturel, et la foi en l'humain est essentielle. On ne devient pas Baye Fall, on naît Baye Fall», se glorifient-ils.

Sénégal carnet de route du Magal de Touba: dans l’antre de «Niary Baye Fall»
L’organisation à «Niary Baye Fall»

Les Bayes Fall se sont implantés dans cette célèbre résidence depuis des décennies sur ordre de leur maître «incontesté», Serigne Touba, le fondateur du mouridisme. C’est une immense maison bien compartimentée. Ils sont ainsi logés dans des cases en fonction de leurs localités de provenance. Ce QG des Bayes Fall abrite plus d’une centaine d’adeptes. En période du grand Magal, ce nombre peut être doublé ou triplé. En effet, les disciples de Mame Cheikh Ibrahima Fall comme ils aiment à le dire viennent un peu partout des quatre coins du globe pour célébrer le départ à l’exil de leur mentor, Cheikh Ahmadou Bamba.

Le Magal des Bayes Fall

C’est la veille du Magal. Les Baye Fall organisent un «thiant». Un magal à leur manière. Et ils viennent même de l’étranger pour participer à cette fête. De teint clair, habillé en boubou blanc, couleur de la pureté, Moussa Ndoye est parmi les «dieuwrine (dignitaires)». Cet homme ayant dépassé la trentaine est, spécialement, venu de la France pour le Magal. «On vit le Magal comme tous les mourides suivant les instructions de Cheikh Ahmadou Bamba. Le saint homme avait exigé le récital de coran, les khassaides, les zikrs etc. et spécialement avec Cheikh Ndiguel Fall, on fait une avant-première cette nuit du vendredi (13 février 2009), un grand Thiant est organisé, où le nom de Dieu, ALLAH, est loué», a-t-il confié avec ferveur et abnégation. Et d’ajouter : «le jour du grand Magal, on refait la même chose (récital coran, «Mberdé» (de la bonne bouffe à gogo) afin de rendre grâce à Dieu qui nous donne chaque année la capacité de le fêter».

Sénégal carnet de route du Magal de Touba: dans l’antre de «Niary Baye Fall»
Les astuces des expatriés pour venir au Magal

Son petit frère, Ibrahima Ndoye est quant à lui-aussi spécialement venu des USA. Vêtu d’un boubou multicolore, cet étudiant en communication à Oklahoma City n’hésite pas à sacrifier ses cours pour le grand Magal. «Je ne peux pas estimer ce que le Magal représente pour moi. J’ai sacrifié mes cours, mon travail juste pour assister au Magal», a confessé Ibrahima Ndoye. Ce jeune Baye Fall vit aux USA depuis 5 ans maintenant. Depuis qu’il est au pays de l’oncle sam, il avait l’habitude de fêter le grand Magal avec ses frères musulmans dans le cadre d’un Dahira à Oklahoma City. Mais, maintenant, il n’est plus question. Il faut trouver des astuces et des subterfuges pour venir à Touba et à «Niary Baye Fall». L’étudiant en communication de révéler : «nous faisons en sorte que notre période de congé coïncide avec le grand Magal de Touba. Les sénégalais s’organisent pour bénéficier de réduction dans les agences de voyages étrangères».

La lumière gît sur les «Ceedo»

C’est dans cet élan que se présente, le petit fils de Mame Cheikh Ibrahima Fall. Il est surnommé «Lamp», la lumière qui éclaire la vie. De lignée princière Ceedo, Cheikh Ndiguel Fall est l’idole des baye fall de la jeune génération. Sa demeure se distingue particulièrement dans cette vaste résidence. Il crèche dans une maison en étage, peinte en jaune. Celle-ci comporte une grande cour, juste après la porte d’entrée.

Sénégal carnet de route du Magal de Touba: dans l’antre de «Niary Baye Fall»
Touba, la Félicité se répand sur terre

Entouré de sa garde rapprochée, l’homme est habillé d’un simple boubou blanc. Trois chapelets dont deux en bois, et un autre de couleur argenté sont autour du cou. Il s’installe majestueusement dans un fauteuil qui trône dans le salon.

Ainsi, il se prête dans une totale humilité à nos questions. Selon le cheikh, l’affluence des disciples se justifie par cette philosophie «Mouride NDIGUEL». Le khalife des Baye Fall de souligner : «ce sont des mourides. Ils croient en Cheikh Ahmadou Bamba. Ce dernier avait demandé que le nom de «Touba» qui signifie «Félicité» en arabe soit répandu, et c’est ce qui est en train d’arriver. Il a aussi demandé que les gens soient méfiant par rapport aux djinns et aux personnes sataniques».


Un symbole de la paix

Recevant une délégation de talibés de plus d’une vingtaine de personnes venue de la lointaine Casamance. Le cheikh d’indiquer «ce que vous voyez là, c’est un symbole de la paix dans cette région. Ces gens ont parcouru des kilomètres dans l’unique but de répondre à l’appel du fondateur du Mouridisme, qui est lui aussi symbole de paix et de sagesse».

Les talibés de «Ndiguel» sont connus pour leur parcours de combattant qu’ils effectuent le jour du Magal. En effet des bols remplis de mets sont transportés sur la tête des talibés de Mbacké à la grande mosquée de Touba distant de sept kilomètres. «Ce geste est un héritage que nous a légués notre grand père Mame Cheikh Ibra Fall. Les repas sont destinés aux infortunés. Et l’action se perpétuera dans le temps tant que le bon Dieu nous donne les moyens et la capacité de le faire» a fait savoir le guide des Baye Fall.

Ndèye Maty Diagne (Stagiaire)

lundi 23 novembre 2015

LE JIHAD POUR LA PAIX DE CHEIKH AHMADOU BAMBA [Par A. Aziz Mbacke Majalis]

Le contexte géopolitique international actuel très tendu, marqué par les récurrents attentats terroristes à travers le monde, créant la psychose et ternissant un peu plus l'image de l'Islam aux yeux de nombreux acteurs, il nous paraît assez judicieux de rappeler la perspective de la « non-violence musulmane » théorisée et pratiquée par le grand maître soufi sénégalais Cheikh A. Bamba (1853-1927) dont les propos critiques sur les méfaits des soi-disant jihadistes sonnent aujourd'hui étonnement prémonitoires :
« Certains ont été abusés par le Jihad qu’ils mènent contre des êtres humains [innocents]. S’attaquant sans cesse à leurs semblables, ils les assaillent régulièrement pour accéder à la célébrité et aux richesses. Car, même s’ils prétendent élever le nom de Dieu à travers leur Jihad, leur seul objectif est d’élever leur propre nom et rien d’autre. Ainsi rentrent-ils de leurs prétendues « guerres saintes » couverts de péchés et de méfaits. » (Masâlikul Jinân)

LA NON-VIOLENCE MUSULMANE

Bien longtemps avant les célèbres icones mondiales de la non-violence, comme Mahatma Gandhi et Martin Luther King, Cheikh A. Bamba symbolisa la philosophie de la non-violence dans un contexte colonial. Le « Jihad par le Savoir et l’Adoration de Dieu » (jihâd bil 'ulûm wa bi tuqâ) que Cheikh A. Bamba a mené contre des oppresseurs constitue une perspective très intéressante pour des relations pacifiques entre les musulmans et les autres civilisations. Une telle approche s’oppose en effet à l’interprétation militante et agressive du « Jihad » adoptée aujourd’hui par des groupes tels qu’Al Qaida, Boko Haram ou l’Etat Islamique.
La perspective de la « non-violence musulmane » proposée par Cheikh A. Bamba pourrait ainsi aider à asseoir les bases d’une paix durable et celles de la tolérance dans notre monde actuel, marqué par les nombreux conflits meurtriers, les injustices et les cycles infinis d’agressions et de vengeances au nom de la religion.
Accusé en 1895, par l'administration coloniale française, d'être un « jihadiste » s'apprêtant à les attaquer, Cheikh A. Bamba clarifia, à travers ces propos historiques, la véritable nature de sa « guerre sainte » et celle de ses « armes » qui n'ont rien à voir avec les ceintures explosives et les Kalachnikovs :
« [O vous mes persécuteurs !] Vous m’avez exilé sous le prétexte que je mène le Jihad contre vous. Je vous donne assurément raison car je mène réellement la guerre sainte pour la Face de Dieu. Mais je mène mon Jihad par le Savoir et l’Adoration de Dieu, en ma qualité d’esclave de Dieu et de Serviteur du Prophète - et le Seigneur qui régente toute chose en est Témoin. Alors que d’autres utilisent des armes matérielles pour être craints, mes seules armes à moi sont la Connaissance et l’Adoration de Dieu. »
« Le véritable combattant sur le Chemin de Dieu n'est point celui qui prend la vie de ses ennemis, mais celui qui combat son âme charnelle (nafs) pour parvenir à la perfection spirituelle. »

SON RESPECT POUR LA DIGNITÉ HUMAINE

Cette philosophie non-violente et spirituelle de Cheikh A. Bamba met en valeur la dignité et le respect dû à l’ensemble des êtres humains, au-delà de leurs différences formelles. Ainsi qu’il le rappela dans beaucoup de ses vers :
« Respecte en toute créature les Droits de Dieu, par considération pour son Créateur. » (Nahju)
«Ô Seigneur de l’univers ! Accorde Ta miséricorde à l’ensemble des créatures, ô Toi qui peux diriger les égarés !» (Yâ Rahmân, Yâ Rahîm)
«Ô Seigneur ! Préserve-moi de jamais porter préjudice à mes proches, de même qu'aux étrangers, qu'ils soient musulmans ou non. »
« Ô Seigneur ! A quiconque m’aura injustement blâmé ou offensé, accorde-lui Ton Pardon et puisse-t-il se soumettre à toi. » (Matlabul Fawzayni)
« Ô Seigneur ! Fais de moi le 
rénovateur de la Voie [de l’Islam] sans hostilité ni guerre. »

« Nourris toujours de bons sentiments envers l’ensemble des créatures de Dieu. »
« Les pires des gens sont ceux qui répondent toujours à une offense par d’autres offenses. »
« Quiconque respecte les gens bénéficiera en retour de leur respect. Mais celui qui ne respecte pas ses semblables ne sera point respecté. »(Nahju)
« La paix et la quiétude sont les deux choses les plus précieuses en ce monde. » (Majmûha)

SON SENS DU PARDON ET DE LA MISÉRICORDE POUR SES ENNEMIS

En dépit de toutes les tentatives malveillantes de ses ennemis contre lui, Cheikh A. Bamba demeura fortement attaché à l’injonction Divine qui recommandait :
« Dis à ceux qui ont cru de pardonner à ceux qui ne comptent pas sur les Jours promis par Dieu, afin qu'Il rétribue chaque groupe selon ses œuvres.» (Coran 45:14)
« Tiens-toi au pardon, recommande le bien, et détourne-toi des ignorants. » (Coran 7:199)
« Et ne laisse surtout pas la haine envers les autres te mener vers le mal et t’éloigner de la justice. Sois équitable, car cela est plus proche de la piété, et crains Dieu. » (Coran, 7:8)
Cheikh A. Bamba mit en pratique, durant toute sa vie, ces précieux principes de justice en Islam et de grandeur humaine dont devraient assurément mieux s’inspirer tous ceux qui, de nos jours, prétendent combattre au nom de Dieu.
LE PLUS GRAND JIHAD
Cheikh A. Bamba donna à la postérité une belle leçon de grandeur et de compassion, en écrivant :
« J'ai pardonné à tous mes ennemis pour l’amour du Seigneur qui les a écartés de moi. Ainsi je ne songe nullement à me venger. J'ai accordé mon pardon à tous mes ennemis avec pureté de cœur. » (Muqadimatul Amdāh).


Une telle élévation d’âme constitue une manifestation du Principe Divin qui enseigna à tous les croyants :
« La bonne action et la mauvaise ne sont nullement pareilles. Repousse [le mal] par ce qui est meilleur ; et voilà que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux. Mais [ce privilège] n'est donné qu'à ceux qui font preuve de patience et il n'est donné qu'au possesseur d'une grâce infinie. Et si jamais le Diable t'incite [à agir autrement], alors cherche refuge auprès de Dieu qui Entend et Connaît tout.» (Coran 41:34-36)

Ayant ainsi choisi de mener le « Plus Grand Jihad » contre sa propre âme charnelle et ses passions, Cheikh A. Bamba critiqua sévèrement tous ceux qui dénaturent et interprètent mal le sens original du concept de « Jihad » (en tant qu’ « effort personnel » sur la Voie de Dieu) pour des motivations politiques ou extrémistes.

SON SENS DE LA FRATERNITÉ ENTRE MUSULMANS

La vision inclusive de l'Islam qu'avait Cheikh A. Bamba est fondamentalement opposée à tout sentiment d'hostilité ou de conflit entre musulmans ayant des différences d'approches doctrinales, d'obédiences (Sunnite/Chiite), d'écoles juridiques, de confréries, de cultures, de races etc. Les nobles principes unissant les croyants étant de loin plus importants, à ses yeux, que les divergences formelles les menant quelques fois à se combattre ou même à s'entretuer.
Cheikh A. Bamba écrivit :
« O Seigneur ! Inspire-nous l'amour pour tous les musulmans et délivre-nous du mal des transgresseurs. Fais de l'ensemble des musulmans nos amis ; ainsi serons-nous préservés des préjudices. »

« Mets sur le Droit Chemin tous les croyants, hommes et femmes, et pardonne leur tous leurs péchés à l’Au-delà.»
« Ne considère jamais comme ennemi toute personne que tu verras prononcer la profession de foi en Dieu.»
«Aime tout musulman pour sa foi en Dieu.»
« O Seigneur ! Incite-nous à toujours nous consacrer au service des Musulmans et à nourrir de la compassion pour eux. » (Matlabu Shifâ’i)
« Toutes les [confréries] agréées sont dans le Droit Chemin, ne t’avise donc jamais de dénigrer [un groupe de musulmans]. » (Masâlik)
Fort de tous ces précieux enseignements pacifiques et de cette intéressante perspective endogène pour l'apaisement des relations entre les musulmans et les autres civilisations, l'auteur américain Michelle R. Kimball tint, dans son article intitulé « Cheikh Ahmadou Bamba : Un Musulman du Vingtième Siècle Artisan de la Paix », à attirer l’attention sur cette originalité de la pensée du Cheikh, qu’elle considère même, en un sens, comme vitale dans la conjoncture géostratégique actuelle :
« Dans le contexte hautement tourmenté du monde actuel, marqué par le choc apparent des civilisations islamique et occidentale, la vie d’un musulman artisan de la paix mérite d’être mise en évidence. Un saint musulman qui mena, au cours du siècle passé, un combat victorieux et entièrement non-violent pour la paix. »
« Une étude plus poussée de la contribution de Cheikh A. Bamba dans le renouveau culturel et spirituel de son peuple démontrera la véritable portée que son message universel et son combat non-violent ont de nos jours pour atteindre la paix dans notre monde actuel. »
(Extraits de l'Exposition Internationale sur la Non-violence en Islam à Columbia University)

mardi 17 novembre 2015

[Grand Reportage France 24] Effervescence à Touba pour le Grand Magal

À Touba, ville du centre du pays, c’est le temps du Grand Magal, commémorant le départ en Exil de Cheikh Ahmadou Bamba; le fondateur du Mouridisme. Nos Observateurs nous font découvrir ce moment de partage pour les musulmans africains.

À l’entrée de Touba, des milliers d’hommes et de femmes avancent lentement à bord de voitures, bus bondés ou charrettes. Parfois, ce sont des heures de bouchons qui attendent les pèlerins devant les lieux cultes mourides. C’est la 118e édition du Magal (ou grand pèlerinage), entre le 1er et le 3 janvier.

La confrérie musulmane soufie des mourides est l’une des plus influentes au Sénégal. Rassemblés à Touba, considérée comme "La Mecque de l’Afrique", ses disciples célèbrent l’exil forcé au Gabon, en 1895, de Cheikh Ahmadou Bamba.

À l’issue de son exil, il avait demandé à tous ses disciples de se réunir chaque année pour commémorer les valeurs du mouridisme. Ils affluent donc en ce moment vers le mausolée de cette figure sénégalaise.

Chaque année, Touba devient pour quelques jours un centre de partage et de solidarité. Cette fois, environ deux millions de personnes sont attendues.


"J’ai fait huit heures de trajet pour rejoindre Touba"

Khalil Mbaye est un comptable de Dakar. Il a entrepris en voiture les 200 kilomètres séparant Touba de la capitale, malgré les embouteillages.
"J’ai quitté Dakar dimanche dans la soirée parce que je pensais éviter le trafic. J’ai pourtant mis huit heures pour rejoindre Touba alors qu’il ne faut que deux heures en temps normal. Les embouteillages étaient tellement importants que j’ai mis plus d’une heure pour faire les 26 derniers kilomètres.
J’ai 28 ans et je viens depuis que j’ai 11 ans à Touba. Tous les musulmans du Sénégal doivent y aller. Le Magal est un moment de retrouvailles où il n’y a pas de ségrégation religieuse : toutes les mouvances, soufies ou non, peuvent assister à la fête sans discrimination. Même les hommes politiques du pays viennent s’exprimer ici, parce qu’ils savent que c’est un lieu incontournable pour des millions de fidèles. C’est avant tout un moment de réflexion."
Les Sénégalais embarquent souvent à plusieurs pour se rendre à Touba. Photo Twitter Antoine Mian.
"Voir le mausolée du Cheikh reste l’un des plus beaux moments de ma vie"

"La première fois que j’ai visité le mausolée du Cheikh Ahmadou Bamba reste l’un des plus beaux moments de ma vie. La ferveur qui entoure le Magal est un moment unique. Pendant les journées, nous récitons le Coran, dès 6 heures du matin jusqu’à la tombée de la nuit, et nous entonnons des chants religieux. On organise aussi des débats sur l’état économique et social du pays et on se recueille sur les tombes des khalifes.

Ce que je constate, c'est que l'oeuvre du Cheikh dépasse la communauté mouride.Cette année, j’ai dépensé environ 15 000 francs CFA (22 €) pour financer mon déplacement. Je garde également une somme pour l’organisation de la fête sur place et j’achète des ouvrages religieux qui sont édités spécialement pour cette occasion."

"Les habitants de Touba accueillent leurs proches mais aussi des inconnus chez eux"
Racine Thiam est professeur d’anglais. Il habite à Mbacké, ville originaire du Cheikh Ahmadou Bamba, dans la banlieue de Touba.

"Le Magal est un moment important pour la vie économique de la ville. L’arrivée massive de pèlerins ne perturbe pas la vie quotidienne car les commerces sont préparés. La nourriture est distribuée gratuitement sans distinction dans les rues, on y tue des centaines de bœufs pour nourrir la population. Le seul point noir de ces quelques jours, c’est le trafic.


À Touba, il est en temps normal interdit de fumer. Mais autour de cet évènement, des vendeurs de tabac à la sauvette se multiplient. Ils sont réprimandés par la police s’ils se font attraper."

"Je laisse ma chambre aux pèlerins et je dors par terre dans ma véranda"
La ville est en effervescence durant le pèlerinage et les maisons sont bondées. Chaque famille accueille ses proches, les amis de ses proches, et souvent même des inconnus. La solidarité est une valeur centrale de ce pèlerinage, ça amène les gens à se rencontrer.
J’ai moi-même décidé de ne pas me rendre en centre-ville cette année pour accueillir les pèlerins chez moi. Je loge une dizaine de personnes qui déposent leurs bagages la journée et viennent dormir le soir. J’ai même libéré ma chambre pour eux. En attendant, je dors par terre, sur un matelas, dans ma véranda."

Ce billet a été rédigé avec la collaboration d'Alexandre Capron (@alexcapron), journaliste à FRANCE 24.

Source: http://observers.france24.com/fr

Les sept dimensions du MAGAL de TOUBA


Le Magal de Touba possède un caractère multidimensionnel qui permet de mettre en évidence ce que la communauté mouride est prête à faire, voir même à  sacrifier, pour un bon déroulement de l’évènement.

1. La DIMENSION SPIRITUELLE

Dans la compréhension des pèlerins, Le Magal de Touba accroît les valeurs spirituelles, sociales, et culturelles des mourides. Les résultats issus des enquêtes sur les ménages à Touba et les dahiras, montrent clairement que pour 81% des individus enquêtés, l’un des déterminants fondamentaux de la célébration du Magal, est d’abord et avant tout, la confirmation de l’appartenance à la communauté mouride qui possède un sens très élevé du « Ndiguel » 

En effet, le Magal est avant tout, une recommandation du Fondateur du Mouridisme  qui dit en ces termes : « Quant aux bienfaits que Dieu m’a accordés, ma seule et souveraine gratitude ne les couvre plus; par conséquent, j’invite toute personne que mon bonheur personnel réjouirait à s’unir à moi dans la reconnaissance à Dieu, dans la mesure de ses possibilités en sacrifiant des espèces allant de la poule au chameau, chaque fois que l’anniversaire de mon départ en exil le trouvera sur terre».  Ce message paraît bien entendu et suivi par les ménages mourides et dahiras et expliquerait en quelque sorte la dimension festive du Magal. Comme l’a dit le Cheikh, tout peut être sacrifié pour rendre grâce au Seigneur, allant de la poule au chameau.

Partout, le discours reste le même, qu’ils soient membres des ménages ou de dahiras, ils  ressentent tous un immense sentiment de joie, de plaisir et d’amour lors du Magal. De même, ils ressentent une certaine satisfaction d’action bien faite à l’égard de leur Seigneur. En célébrant le Magal, certaines personnes ont le sentiment d’accomplir une mission. Le Magal est en effet considéré comme une victoire de l’islam et de l’Homme noir : « C’est un jour de victoire pour l’islam. Je ressens beaucoup de plaisir et de fierté à y participer…..Je suis d’avantage réconforté dans ma position quand je vois que mes enfants qui ont les mêmes sentiments à aller à Touba pour magnifier le jour de  victoire de l’homme noir».  

L’avènement du Magal inspire beaucoup de valeurs islamiques  et de comportements: l’amour entre les différentes confréries, le partage, la paix, la solidarité, l’entre-aide, le respect mutuel, le pardon, la bonté, la propreté, la piété, la persévérance, la récitation du coran, des Khassaides, les causeries sur le Prophète, sur les hommes pieux,  la dévotion envers Dieu, la « sunna » du prophète, l’union des musulmans, le rappel du droit chemin, la confiance en soi…..

Le Magal rappelle également des évènements partagés par toute la communauté musulmane dont le plus important est le pèlerinage à la Mecque qui a été cité par plusieurs enquêtés. En effet, à Touba tout comme à la Mecque, les pèlerins sont au même pied d’égalité, ils s’efforcent à être pur et le plus proche de leur seigneur à travers les prières et la lecture du Coran. Il y a aussi le Ramadan, car après la privation et l’abstinence, le fidèle est autorisé, en fin de journée, à rompre son jeûne et bénéficie ainsi des faveurs de son Seigneur.
Le Magal rappelle aussi les évènements victorieux de la religion qui exaltent la Gloire Divine telles que la Tabaski, la naissance du prophète, le retour du prophète à la Mecque, l’arrivée du prophète à Médine, l’entrée de Seydina Oumar dans la religion musulmane et la guerre de Badr.
A l’arrivée, il y a un sentiment de satisfaction, d’élévation et de purification spirituelle : « je me sens comme quelqu’un qui est à la Mecque, qui a une satisfaction intérieure et qui a reçu des bénédictions de la part d’Allah et du Cheikh ». Et la transformation est manifeste : « Je ne peux même pas l’expliquer, dés mon entrée à Touba je deviens comme une personne qui est sous l’emprise d’une force innée ». Cela peut aussi expliquer le sentiment d’ouverture spirituelle ressenti par certaines personnes lors du Magal. Pour les mystiques, le trajet vers la ville sainte constitue véritablement un voyage vers l'unité divine, la voie soufie elle-même.

En célébrant le Magal, certaines personnes ont le sentiment d’accomplir une mission, d’où la nécessité de venir à Touba pour renouveler sa foi et son appartenance à la communauté de Cheikh Ahmadou Bamba. « Le grand Magal est le jour de Cheikh Ahmadou Bamba, il est aussi le plus beau jour des mourides. Il marque la victoire de la vérité prônée par le vénéré Cheikh Ahmadou Bamba sur l’homme blanc. Pour moi il représente la fête, la joie, c’est le jour le plus important de ma vie plus que la Tabaski, la Korité ou la Tamkhariit. Ce jour est sans égal. Le Tout puissant a demandé au Cheikh de choisir un jour pour le remercier, de ses œuvres et le Cheikh de choisir le jour le plus difficile, le plus dur, le jour où il a été pris en otage par l’homme blanc, partant de là, et tant qu’il me restera un souffle de vie, je reviendrai à chaque édition », disait une personne interrogée.

Pour la plupart des ménages et des dahiras enquêtés, le Magal doit aussi être un jour d’introspection spirituelle pour chaque mouride. Faire le point sur sa qualité de talibé, s’interroger sur ce qui doit être le comportement d’un  bon mouride, sur son engagement dans les recommandations du Cheikh, sur ses actions en faveur de l’islam, etc.… 

2. La DIMENSION FESTIVE (« BERNDÈÈL ») ET SOCIALE

Le Magal, c’est aussi la dimension festive avec le  « Berndèèl ».  La qualité et la quantité des aliments et collations doivent permettre à chacun de sentir que le Magal, c’est la meilleure fête qui puisse exister. Donner à manger est un acte fortement recommandé par l’Islam. Et sur ce plan, il faut  reconnaître que les ménages à Touba et les Dahiras ont toujours fourni des efforts immenses pour la réussite de cette journée. Dans presque toutes les familles ainsi qu’au sein des Dahiras, des moutons, des bœufs et même des chameaux sont immolés pour l’occasion. Une quantité astronomique de boissons, de gâteaux et de toutes sortes de mets est offerte aux pèlerins à Touba durant le Magal. Certains talibés reviennent même de Touba chargés de produits alimentaires qu’ils offrent aux gens qui n’ont pas pu se rendre au Magal.

Le jour du Magal, tout y passe pour une participation satisfaisante comme le dit ce jeune homme lors des entretiens : « Je cuisine avec les femmes, je participe à tous les travaux domestiques à côté de mes frères, sœurs amis et enfants, et cela avec énormément de fierté et de plaisir… ».

Au demeurant, la disponibilité de la nourriture pour tous, pendant et après le Magal a Touba, participent d’une certaine façon a la réduction de la faim et de la pauvreté au Sénégal, au moins durant cette période. Plusieurs villageois affluent ainsi à Touba, avec pour objectif de tirer profit de ses opportunités en termes d’accès à l’alimentation, à l’eau potable, aux revenus et aux autres facteurs de qualité de vie, dont les services de santé grâce aux campagnes de soins gratuits.
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3. La DIMENSION ÉCONOMIQUE

Chaque année, ce sont plus de trois millions de musulmans venus de tous le Sénégal et du monde entier, ou demeurant  à Touba et dans ses environs, de toutes conditions et de tous âges qui viennent répondre à l’appel du vénéré Cheikh Ahmadou Bamba. 

Touba la Sainte, pendant la période du Magal, c'est également le point culminant du business au Sénégal. En l’espace de quelque jours, la ville devient un carrefour commercial pour troquer, acheter, vendre. Avec le Magal, l’activité économique de Dakar prend un répit en faveur de la ville religieuse qui accueille tous les marchands ambulants, surtout aux alentours du quartier Touba mosquée, rendez-vous de milliers de pèlerins qui font des emplettes après avoir visité le mausolée du fondateur du Mouridisme. Bien entendu, le site est placé sous haute surveillance. Devant son étale au marché Ocass de Touba, un commerçant déclare : « Ce qui est fabuleux, c'est que c'est un gros business qui est fait avec un grand respect du religieux ».

Les commerçants et vendeurs à la sauvette viennent de partout, surtout des régions de Dakar, Kaolack, Diourbel et Thiès, mais aussi des pays limitrophes comme la Guinée, la Gambie et la Mauritanie, pour écouler leurs marchandises et faire des affaires. Le chiffre d’affaire est plus que doublé en période de Magal, ainsi que le volume de travail.

Pour la plupart des entreprises, il est également nécessaire, à l’approche de l’événement, de mettre en place un dispositif spécial pour faire face à l’accroissement des commandes. Les entreprises de téléphonie, de transfert d’argent, d’agro-alimentaire, des banques sont obligées de poursuivre la démarche de fidélisation destinée à leur clientèle en essayant de les accompagner et de continuer à leur offrir un service de qualité.

4. La DIMENSION INFRASTRUCTURELLE

Le développement de la Ville et l’organisation du Magal de Touba sont deux faces d’une même médaille.  Le grand nombre de pèlerins pousse en effet l’Etat du Sénégal, à travers ses démembrements (ministères et entreprises publiques), à mobiliser d’importants moyens pour permettre que ce regroupement humain se déroule dans les meilleures conditions d’hygiène, de sécurité et d’accès aux services sociaux de base. Le Grand Khalife de Touba, appuyé par les Dahiras mourides,  en fait également de même.

Ainsi, à l’occasion de chaque édition, des travaux  sont effectués en prélude du Magal pour faciliter la circulation des personnes et des biens, la distribution de l’eau et de l’électricité, la couverture médicale, etc.

C’est ainsi qu’un programme de modernisation de  la ville sainte de Touba a été récemment lancé. Au total, c’est une somme de 100 milliards de francs Cfa que l’Etat a décidé d’injecter à Touba dans des travaux relatifs à la voirie, à l'assainissement et à l'hydraulique. En ce qui concerne ces travaux de modernisation, 115 km de routes avec revêtement en enrobés seront réalisés. Un réservoir de 6000 m3 et un château d'eau de 1000 m3 sont aussi en cours d'exécution pour l'approvisionnement en eau potable.

Il est également prévu, des travaux de drainage et d'évacuation des eaux pluviales et des eaux usées. L'électrification ne sera pas en reste avec 75 km de câbles, en plus de postes de 30 KV qui y sont prévus.

Au-delà de l’effort de l’Etat dans le processus de modernisation de la ville de Touba, les talibés mourides se distinguent également à travers leur capacité de mobilisation des fonds afin d’améliorer d’années en années les conditions d’accueil et d’hébergement des pèlerins.

Tout ceci accélère le développement des infrastructures à Touba et en fait progressivement une ville dotée des commodités nécessaires au bon déroulement du Magal.

5. La DIMENSION SOCIO-CULTURELLE
Autre dimension fondamentale du Magal de Touba, l’aspect socio-culturel. Pour les ménages mourides et les dahiras enquêtés, le Magal offre à  beaucoup de mourides l’occasion unique de se retrouver. Beaucoup de personnes profitent du Magal pour organiser leur  rencontre annuelle de famille. L’événement est donc un important facteur de renforcement de liens familiaux pour des gens de plus en plus dispersés au Sénégal et dans le monde. Mais tout au bout il y a comme le dit ce membre de dahira une remise en cause de soi : « on se demande si on s’est suffisamment investi dans la préparation du Magal, aussi bien physiquement que financièrement ». Cela explique certainement le désir de toujours faire plus.

Le Magal est un moment de retrouvailles et de renforcement des valeurs culturelles telles que le partage, la revivification des liens de parenté, d’amitié, la communion, l’humilité, le sens du pardon, le don de soi et la fidélité à l’image des « baye fall », le  respect des anciens, l’union face à Dieu, la mise en pratique sans exclusion de la Téranga, la mise en exergue de la culture mouride, à travers l’habillement, la littérature et la poésie (les Wolofals).

Pour la plupart des ménages et dahiras enquêtés, c’est le lieu de magnifier le rôle important que le Magal joue dans le brassage ethnique entre les musulmans. Contrairement à beaucoup d’autres pays africains, le Sénégal a toujours su se préserver des conflits ethniques, cela grâce, en partie, à de tels évènements qui regroupent des millions de personnes d’ethnies, de races, de conditions sociales différentes pour un même but : rendre grâce à Dieu et célébrer l’œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba.

Il en est de même pour ce qui est du renforcement de la paix et de l’harmonie entre les confréries islamiques du pays. Beaucoup de mourides aiment en effet inviter leurs amis et collègues des autres confréries (Tidianes, Khadres, Layénes, etc…) à se joindre à eux dans la célébration du Magal.

En outre,  le Magal peut servir de plateforme pour prôner la paix, l’unité et la tolérance dans le pays à travers les prêches et les recommandations du Cheikh et de son khalife général. En effet, Touba, lors du Magal devient un point de convergence des différentes confréries, des partis politiques, et des différentes ethnies que comptent le Sénégal. C’est alors l’occasion de défendre l’intérêt national par la promotion du dialogue, de l’entraide et l’union des cœurs à travers les enseignements du Cheikh : « Si chacun regardait son prochain à travers l’image du Cheikh, alors tout le monde s’aimerait et se respecterait»
Sous cet angle, on peut dire que le Magal est « un facteur de régulation sociale » qui renforce la solidarité et la paix entre différentes couches de la société.

D’un point de vue ésotérique, « les prières que l’on y effectue, la lecture du Saint coran durant la journée et toute la nuit participent à rendre le pays plus stable et assurent le bien être à tous…Aujourd’hui malgré les difficultés de la vie, il y a quelque chose qui n’existe qu’au Sénégal c’est la paix et cela nous le devons à l’œuvre de Cheikh Ahmadou. C’est grâce à lui que la paix règne dans ce pays ».

6. La DIMENSION ÉDUCATIVE
Le Magal possède aussi une dimension éducative. Le Comité d’organisation et les Dahiras organisent en effet de grandes animations culturelle avant, pendant et après le Magal, avec des conférences, des débats, des séminaires, des expositions, des chants religieux, à Touba, à Dakar, dans les autres régions du pays et dans le monde, dans les médias, sur Internet, et dans les universités.  Tout ceci contribue à l’éducation des talibés et leur permet de mieux s’imprégner des enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba.

  7. La DIMENSION INTERNATIONALE ET DIPLOMATIQUE

Il faut aussi noter le caractère international et diplomatique du Magal, par la présence à Touba de nombreuses délégations de pays étrangers, représentés en général par leurs ambassadeurs. Certains pays frontaliers du Sénégal comme la Gambie et la Mauritanie sont représentés à la fois par des officiels, par des Oulémas et par plusieurs milliers de pèlerins. Nul doute que Le Magal constitue un évènement qui contribue au succès de la politique diplomatique du Sénégal. Autre facteur très important de l’événement, des occidentaux, de plus en plus nombreux, se retrouvent à Touba lors du Magal. Si certains ne viennent que par curiosité, d’autres par contre sont là par conviction religieuse et attachement aux enseignements du Cheikh Ahmadou Bamba.

Le Magal contribue ainsi à la vulgarisation des œuvres de Cheikh Ahmadou Bamba. En effet le Magal est un évènement universel. Des gens viennent de partout dans le monde pour le célébrer. L’affluence des médias vers la ville sainte le confirme. D’autres éléments vulgarisateurs concernent les conférences, les causeries, et les expositions sur la vie du Cheikh en général.

C’est à travers l’œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba que le Magal a cette dimension mondiale. En effet « son courage et son pacifisme ont ému tous les musulmans et même ceux qui ne le sont pas. Il s’est sacrifié pour le triomphe de la vérité. Il était harcelé et pourtant il restait un homme fidèle à ses principes en recommandant : le travail de la terre, l’apprentissage du saint coran et des « khassaïdes », le refus de l’aliénation et le respect des « ndiguel.

Souce:  Monographie Sur L’Impact Socio-Economique Du Grand Magal De Touba Au Sénégal)

jeudi 12 novembre 2015

Le Grand Magal de Touba sera célébré le 1er Décembre 2015

Le Grand Magal de Touba sera célébré le 1er décembre, a-t-on appris, jeudi, de la commission lunaire de la Grande Mosquée de Touba. 

Le Magal commémore le départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, fondateur de la confrérie mouride. 

Témoignage d’un Baye Fall : Comment Serigne Saliou Mbacké a guéri la maladie de Steven Seagal?

Steven Seagal (sur la photo), c’est le célèbre américain qui a séduit Hollywood par ses talents d’acteurs et par ses films. Sa popularité a dépassé les frontières. Il a raflé plusieurs fois la première place au classement annuel des personnalités préférées des Américains.


Alors comment un acteur américain de renommé s’est laissé séduire par l’Islam et surtout comment il est arrivé à s’incliner devant le guide religieux Serigne Saliou Mbacké ? 

Le Baye Fall (à côté de l’acteur) nous fait un témoignage précis : « Cette rencontre a changé la vie de Steven Seagal puisque lorsqu’il s’est retrouvé avec Serigne Saliou Mbacké, pour soigner sa maladie. Le marabout  lui a donné son boubou blanc qu’il avait l’habitude de porter.  Il lui avait demandé de le porter. Ensuite, l’américain a passé la nuit dans sa chambre. Au cours de la nuit, Serigne Saliou Mbacké  a prié pour lui, avec son Coran et un verre d’eau.  Le lendemain matin, Serigne Saliou Mbacké lui avait demandé d’aller se libérer dans les toilettes. Chose qu’il a faite aussitôt. Lorsqu’il est revenu le retrouver, Notre Serigne lui avait fait savoir qu’il était désormais guéri de sa maladie. Depuis l’acteur américain revient très souvent  à Touba dès qu’il en a l’occasion, DIEUREUDIEUF SERIGNE TOUBA ! » 

mercredi 11 novembre 2015

Le 11 Novembre 1902 : Le Retour triomphal d'Exil de Cheikh Ahmadou Bamba

Le navire ‘’la ville de Maceo ‘’ arriva au port de Dakar le . Des milliers de talibés mourides, s’étaient déplacés pour vivre cet instant mémorable. Le Cheikh Ahmadou Bamba rentrait non en tant qu’exilé mais en tant que conquérant. Tous les exilés même les plus célèbres furent oubliés par les leurs, et presque tous moururent dans l’exil, alors que cette fois, les autorités coloniales assistaient impuissantes aux débordements de joie des mourides et se gardaient bien d’intervenir afin de ne pas violer les consignes de la métropole. 

Certains fonctionnaires étaient outragés, tel l’administrateur Allys, qui dans une correspondance gardée dans les archives nationales, écrira à son ami Merlin : «M. François Carpot avait promis aux électeurs le retour d’Ahmadou Bamba. Il a réussi, J’appelle cela un crime, car il ne pouvait ignorer ce qui allait arriver. »  

Le 11 novembre 1902, Cheikh Ahmadou Bamba revenait d’un exil qui a duré près de huit (8) ans dans la forêt peu hospitalière de l’Afrique centrale. Pour s’être dressé contre le système de valeurs imposé par le colon, le fondateur de la voie Mouride a été jugé de façon expéditive puis condamné à mort par l’administration coloniale réunie en Conseil privé le 05 septembre 1895 à Saint-Louis. C’est faute de pouvoir exécuter la peine capitale que la décision de l’exiler a été prise par des autorités qui pensaient ainsi, sonner le glas du mouvement dont ce saint Guide portait les idées et les valeurs. Si elle pouvait s’émerveiller de l’assurance du Cheikh au moment de son départ avant lequel il donna des garanties certaines sur son retour, la communauté mouride n’a pu bouder son plaisir de revoir Khadimou Rassoul fouler de nouveau le sol du Sénégal. Faut-il rappeler que, même certains proches avaient fini de se faire à l’idée que leur bien-aimé ne sortirait jamais vivant de son affrontement avec le colonisateur. La suite de l’Histoire est connue de tous. Non seulement le Cheikh est revenu indemne, mais c’est surtout le fait qu’il ait poursuivi de plus belle, sa mission de rénovateur de l’Islam, religion de tolérance, de paix et de confiance absolue en Dieu. Incarnant parfaitement ces sacro-saintes valeurs, Cheikh Ahmadou Bamba dira après cette victoire éclatante : « j’ai pardonné à tous mes ennemis pour l’amour du Seigneur qui les a écartés de moi à jamais ; aussi je ne songe point à me venger. » (extrait du khassida « Muqadimatul Amdâh »). Et d’ajouter : « O Seigneur ! Accorde Ton pardon à quiconque m’a jamais blâmé ou offensé. » 

C’est fidèle à cet esprit d’ouverture que le 11 novembre 2002, le Collectif des mourides de France et le Daara des Bayes Fall de Paris ont conjointement organisé le centenaire du retour d’exil de Cheikh Ahmadou Bamba. Une commémoration symbolique à plus d’un titre car la date du 11 novembre (1918) marque l’armistice et donc la fin de la Première Guerre Mondiale. On ne peut s’empêcher d’y voir autre chose qu’un simple hasard de calendrier. 

mardi 10 novembre 2015

ET LA « NUDITÉ INTÉGRALE » DANS NOS MÉDIAS, MONSIEUR LE PRÉSIDENT ? [Par A. Aziz Mbacké Majalis]

Le débat sur l'interdiction éventuelle du « voile intégral » dans notre pays, vient d'être relancé dans l'opinion publique et les médias, à la suite des récents propos du Président de la République sur la question de la menace terroriste.
Les avis sur la question étant partagés entre, schématiquement, ceux qui approuvent cette idée, suivant notamment l'argument qui veut que cette pratique « ne relève point de notre culture et de nos traditions religieuses » ou qu'elle peut constituer « une menace terroriste » pour notre pays. D'autres, comme moi, demeurant profondément dubitatifs quant à la pertinence et l'opportunité d'une telle décision qu'ils trouvent, au contraire, contreproductive et trop superficielle.
En effet, observons un moment, sans passion, la validité des principaux arguments avancés par les anti-voiles pour se convaincre de leur relative légèreté.
L'ARGUMENT CULTUREL
Si l'argument de l' « authenticité culturelle » invoqué par le Président Macky, stricto sensu et sans intégrer d'autres considérations secondaires, devaient être appliqué à toutes nos attitudes, à nos modes d'habillement et nos discours, très peu de choses subsisteraient en réalité dans notre Sénégal moderne. Tellement certains traits culturels et religieux actuels de notre pays, que l'on a souvent tendance à penser être les nôtres, trouvent leurs sources historiques et origines culturelles dans d'autres horizons (Orient, Maghreb, Occident etc.).
Le « Tourki Ndiaareem » (déformation de costume « turc ») qui donnera plus tard naissance, en milieu mouride, aux « Baye-Lahad » et autres « Baye-Chouhaïbou », est-il réellement d'origine sénégalaise ? Les fameux « moussor » (déformation de « mouchoirs » de tête) de nos ancêtres et leurs « taille-basse » ou « ndokettes » n'ont-elles rien hérité des modes signares ou celles d'ailleurs ? Sommes-nous aussi certains que nos « simisou alâji » (chemises d'El Hadji de la Mecque), « boné faas » (bonnets de Fez) et autres « maraakiis » (babouches de Marrakech) sont, « culturellement » parlant, bien de chez nous ? Et l'on pourrait continuer indéfiniment les exemples...
Tout ceci, pour simplement dire que la quête naïve d'une authenticité culturelle parfaite n'est qu'un leurre. Le Sénégal ayant toujours été à la croisée des chemins et au carrefour de plusieurs influences et héritages. Et que le fait qu'une attitude ou pratique ne relève pas de notre héritage culturel ancien n'est pas en soit suffisant pour l'interdire à ceux qui l'auraient librement choisi. Ceci, dans certaines limites claires (décence, ordre public etc.) définies librement par notre peuple.
Irons-nous ainsi, dans cette même logique, jusqu'à interdire un jour chez nous le port des turbans iraniens ou indiens, celui des keppa juifs ? Les voiles (perçus comme « arabes » par certains) de beaucoup de jeunes sénégalaises voilées, ceux des bonnes sœurs catholiques, sont-ils culturellement plus « sénégalais » que les « burqa » afghans ou iraniens ? En effet, si l'on s'avise d'ouvrir aussi facilement la boîte de Pandore de l'authenticité culturelle, en dehors d'autres arguments moraux et sociologiques démontrés, rien ne s'opposerait théoriquement à ce que notre État puisse un jour, sous l'argument massue et fourre-tout de la « lutte contre le terrorisme », interdire d'autres pratiques que les sénégalais d'aujourd'hui auront du mal à imaginer...
Pour prendre d'autres exemples plus modernes ou plus parlants (à même de montrer les contradictions sur cette question), que dire de la mode des « saris » indiens chez nos femmes ? Celle des « cheveux naturels » ? Du khessal dévastateur ? Des pantalons serrés ou rabaissés, des « pinws » et d'autres modes actuelles ou passées que la décence m'interdit ici de citer ? Ou étaient nos autorités lorsque des danseuses, mannequins et chanteuses portaient des tenues extravagantes exhibant leurs parties intimes dans les journaux people ? S'il ne s'agissait véritablement que de préserver nos valeurs culturelles, quelles valeurs seraient plus prioritaires à défendre que la « Kersa » (pudeur), le « Jom » (dignité) et la « Soutoura » que nos personnages publics et stars enfreignent quotidiennement au vu et au su de tout le monde (le CNRA y compris), à longueur de clips obscènes, de séries télévisées, de défilés de modes, de « Dakar ne dort pas » stripteaseurs etc. ?
L'ARGUMENT SÉCURITAIRE
Qu'en est-il à présent de l'argument « sécuritaire » brandi par d'aucuns pour stigmatiser le port du voile, dit « intégral » ou pas ? Il est autant et même plus léger que le précédent, à notre avis. Pensez-vous sérieusement qu'une kamikaze qui aspire véritablement se faire sauter pour accéder au Paradis en miettes puisse être arrêtée par la seule éventualité de troquer sa Burqa contre nos grands-boubous non moins amples pour camoufler n'importe quelle bombe ? Au contraire, du moment même où cet habillement deviendrait suspect et stigmatisant, les potentiels terroristes n'éprouveraient aucun problème à les échanger contre d'autres modes vestimentaires jugées plus « neutres » pour perpétrer leur forfait. D'ailleurs, à ce propos, un élément contreproductif que les autorités politiques et religieuses qui soutiennent ce harcèlement inédit contre une partie de notre population ne semble pas intégrer dans leur schéma est le risque accru de « radicalisation », à long terme, chez des citoyens innocents se sentant injustement stigmatisés pour leurs choix religieux pourtant à priori inoffensifs pour leurs concitoyens. Je trouve donc, au vu du sérieux de la question sécuritaire, cet argument des plus puérils et même dangereux.
Et quid de l'argument sur l'impossibilité d'identifier les individus cachés sous un voile intégral ? C'est simple. Les services de sécurité n'auront qu'à demander systématiquement à tout sujet suspect de se découvrir, comme ils le font d'ailleurs pour mieux identifier tous ceux qui portent des lunettes ou d'autres atours jugés gênants.
De tout ceci il ressort que, quoique ne souscrivant pas nécessairement à certains choix vestimentaires religieux (ne correspondant pas à ma compréhension des textes religieux), je respecte les options différentes librement adoptées par les autres citoyens sénégalais, par conviction religieuse, dans la limite toutefois de nos règles de décence et de respect de l'ordre public. Nous soutenons donc, dans cette polémique, toutes nos sœurs qui auront décidé de couvrir leurs corps, quelles que soient la mode culturelle à travers laquelle elles auraient choisi de le faire. Car préférant de loin leur voile intégral (adopté en réalité par une insignifiante minorité de la population, pour être représentative) à la nudité intégrale et à la burqa pornographique qui pollue quotidiennement nos télévisions et sites web. C'est un droit que leur garantit, jusqu'à preuve du contraire, la Constitution et les règles qui régissent la liberté de culte dans notre pays.
LA FRANCE N'EST PAS LE SÉNÉGAL
Au vu de tout ceci, comment pouvons-nous alors comprendre que cette question si importante du terrorisme soit abordée par nos autorités sous l'angle si léger de l'habillement ou même d'une prétendue meilleure « formation des imams » ? Tout simplement par mimétisme idéologique et importation unilatérale de l'approche de cette problématique par des pays comme la France. Pays d'une laïcité extrémiste n'ayant pourtant ni le même rapport historique avec la religion que nous, ni les mêmes types de ressorts internes et modèles de coexistence pacifique à même de faire face aux menaces de l'extrémisme...
En définitive, je pense qu'il est important et louable que nos autorités prennent de plus en plus au sérieux la question des menaces terroristes pour notre pays. Et, pour ce faire, il est plus qu'urgent qu'une unité sacrée se fasse autour de la plus haute institution du pays, le Président de la République, et des autres institutions garantes de la stabilité nationale. En ce sens, le plus large consensus devrait rapidement se faire, avec un degré élevé de responsabilité citoyenne, au niveau de toutes les franges de la nation : politiques, religieuses, intellectuelles, société civile etc. Ceci, avec un esprit de dépassement et de transcendance sur les questions politiciennes ou partisanes.
Mais, aussi importante que sera cette unité sur l'essentiel, elle ne pourra se faire qu'avec une plus grande clairvoyance de nos dirigeants dans leurs approches et décisions sur cette question sensible. Approches qui ne devraient nullement s'élaborer n'importe comment, dans les menaces et tentatives d'intimidation envers toute critique objective ou idée opposée émise pour le bien de la nation. Tant notre pays ne dispose point d'arme plus efficace contre les extrémismes que ses ressorts culturels, intellectuels et socioconfrériques endogènes. A condition toutefois que ceux-ci soient plus intelligemment mis à contribution et que nos dirigeants ne se perçoivent plus comme des démiurges s'adressant à des sujets passifs et délobotomisés.
Malheureusement, cela ne nous semble point, pour le moment, être le cas...