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Biographie – Qui était Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké…Par Modou Diakhaté
Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, plus connu sous les noms de Khadimou Rassoul ou Serigne Touba est né au vers 1853 à Mbacké (Sénégal) ville fondée par son arrière grand père Muhammad Al Khayra . Issu d’une famille notable, sa mère Maryama Bousso ou Jaaratoullah (la proche d’Allah) était une femme vertueuse et pieuse, son père Mame Mor Anta saly était un jurisconsulte réputé par ailleurs cadi du roi Lat-Dior . A bas âge, il fit preuve d’une grande soif de connaissances après ses humanités auprès de Serigne Mbacké Ndoumbé puis chez Mouhamadou Bousso.
Il officia en tant qu’enseignant dans l’institut de son père et commença à composer des ouvrages de jurisprudence islamique et de soufisme. A Peine 40 ans, Cheikh Ahmadou Bamba fut chargé de la lourde mission de revivifier l’islam en le dépouillant de toutes les innovations blâmables. Il soutient: « j’ai trouvé le sentier que le Prophète (Psl) avait balisé avec ses compagnons, réinvesti par une faune sauvage qu’il a coupée et dit, “ceux qui veulent emprunter la voie du prophète, voici le chemin qui n’est que le coran et les traditions du prophète (psl) » Cheikh Ahmadou Bamba s’impose par sa singularité dans notre pays et au sien du monde entier. Un homme qui par ses prouesses ainsi que son dévouement en vers le Tout puissant laissent guère perplexe Ayant vécu seulement 74 ans dont 32 ans de captivité.
Cheikh Ahmadou Bamba nous a légué un patrimoine gigantesque. L’ambition, la rigueur, le travail, l éthique l’endurance et la soumission à Allah caractérisaient ses écrits.
Je cite « travailles comme si tu ne meurs jamais, mais prie Dieu comme si tu mourrais demain”. Une telle assertion justifie clairement ses convictions et ses préceptes. Sa vie demeure comme une mine de qualités humaines et de valeurs cardinales. Le degré de son ambition ainsi que sa détermination en témoigne. L’ exemple le plus patent est lorsque le Prophète (Psl) lui apparut au cours d’une retraite spirituelle à Darou Khoudoss.
Le dernier messager de Dieu était alors venu lui décerner le grade de pole de son époque (Khutb). Alors qu’il n’était âgé que de 39 ans, Cheikh Ahmadou Bamba remercia vivement le Prophète pour cette distinction, mais lui signifia dans la foulée que son unique ambition était de faire partie de ses illustres compagnons. Et Le Prophète lui répondra qu’ un tel statut ne serait acquis que par le sang versé or la guerre sainte est révolue. En revanche le sacrifice peut être remplacé par une somme d’épreuves pouvant conduire à la mort tant elles sont aussi nombreuses qu’atroces.
Le Cheikh rétorqua: « je ne suis pas le créateur de mon âme, mais si le seigneur me prête vie, nul doute j’ atteindrais mon objectif ». Cette détermination inédite a valu au Cheikh toutes les épreuves qui nous ont été racontées sur sa vie. Des périples incessants, des atrocités inhumaines sous la coupole de l’administration coloniale sont de parfaites illustrations. En effet, le 5 septembre 1895, il fit l’objet d’un conseil privé expéditif à l’issu duquel sur la base d’allégations mensongères, il a été condamné à la déportation vers la forêt inhospitalière de Mayumba (Gabon) où il a vécu plus de 07 ans (1895-1902) dans des conditions inhumaines. 07 ans où l’indifférence du Cheikh par rapport aux traitements inhumains que lui réservaient l’ennemi est à saluer. Il soutient: « vous m’avez exilé sous prétexte que je suis un adorateur de Dieu qui mène le jihad. Je vous donne assurément raison car je mène le jihad pour l’amour de Dieu. Mais mon jihad se fait à travers la connaissance et la pitié, à ma qualité d’adorateur de Dieu, de serviteur du prophète. Et le seigneur qui régente toute chose en est témoin(…)Et si les ennemis possèdent des armes par lesquelles ils sont redoutés. Mes armes quant’ à moi sont celles dont j’ai parlé. Et c’est ainsi que je mène le jihad ».
De retour au Sénégal en 1902 il sera de nouveau exilé en Mauritanie (1903- 1907) où il vit auprès de Cheikh Sidiya Baba, un érudit arabe pour que la complexité de couleur fait son effet, mais l’attitude du Cheikh reste indifférente. Il passa 04 ans en Mauritanie avant d’être astreint à une résidence surveillée à Thieyene Djoloff de (1907-1912) où l’administration coloniale faisait subir des atrocités à tous ceux qui souhaiteraient lui rendre visite.
Dans cette veine de captivité Cheikh Ahmadou Bamba sera transféré à Diourbel (1912-1927) où il y passa 12 ans. D’ailleurs c’est là où il a rendu l’âme en 1927, enterré à Touba après 32 ans de courage d’abnégation et de détermination. Cheikh Ahmadou Bamba ne s’est jamais lamenté sur son sort. C’est justement ce qui lui a valu ce beau témoignage du Commandant de cercle de Diourbel dans son rapport. Je cite: « ce Cheikh détient une puissance innée dont la raison ne parvient à saisir la source, il semble qu’il détienne une lumière prophétique et un secret divin semblable à ce que nous lisions dans histoire des prophètes .
Celui-là se distingue toutefois par une pureté de cœur, de bonté et un amour du bien aussi bien pour l’ami que pour l’ennemi ».
Au-delà des ses pérégrinations Cheikh Ahmadou Bamba a fondé sa propre doctrine en 1882 à savoir le Mouridisme qui n’est que le chemin vers le salut de l’âme. A l’instant où nous sommes, le Mouridisme compte plus de 04 millions d’adeptes à travers le monde. Cheikh Ahmadou Bamba a fondé plusieurs villes. Touba 1888 est en un parfait exemple. Touba la cité bénite de rêve du Cheikh dans Matlabul Fawzayni. Il dit: « fais de ma demeure la cité bénite de Touba, une cité de perfectionnement et de redressement; un centre d’enseignement et d’instruction approfondie”.
A moins de 02 siècles la ville sainte de Touba est devenue la deuxième ville du Sénégal avec plus de 02 millions d’habitants. En définitive lui qui se réclame par ses écrits et par ses actes d’être le serviteur du Prophète (Psl) ainsi le sauveteur universel. « Si ce n’était pas le fils D’Adam je ne passerai une seule nuit sur terre. N’abusez pas de ma condition d’homme noir pour ne pas profiter de moi”.
Modou Diakhaté
Le coordonnateur du Mouvement des Jeunes Intellectuels de Touba(M-J-I-T)
lundi 15 octobre 2018
LE TÉMOIGNAGE DU PRÉSIDENT MAMADOU DIA SUR CHEIKH AHMADOU BAMBA ET SUR LE MOURIDISME
IL Y’A 61 ANS:LE TÉMOIGNAGE DU PRÉSIDENT MAMADOU DIA SUR CHEIKH AHMADOU BAMBA ET SUR LE « MOURIDISME ».
MAGAL DE TOUBA 04/09/1957.
”Pour nous Sénégalais, pour nous nationalistes sénégalais, le pèlerinage de Touba n'est pas, bien évidement, une ‘affaire politique électorale’. Ce n'est pas non plus le simple accomplissement d'un rite ordinaire. Plus que tout cela, et au-delà de toutes les petites préoccupations immédiates, Touba est pour nous, à travers les années, et dans la longue marche que nous avons entreprise, une référence fondamentale. Car le mouridisme est une création originale, dont le fondateur est un Saint ‘pas comme les autres’. Ahmadou Bamba nous apparaît, avant tout, comme le marabout dont la vie, l'œuvre, la doctrine se sont définies en s'opposant, parfois durement, à toutes les influences étrangères et se sont exprimées dans une création toute nouvelle et purement africaine.
A ce titre l'héritage d'Ahmadou Bamba constitue à la fois un enrichissement inappréciable de notre patrimoine spirituel et une affirmation de cette autonomie culturelle qui est, tout autant que l’indépendance économique, une condition nécessaire du développement national.
Lorsque je dis que toute la vie d'Ahmadou Bamba a été marquée par cette volonté de se définir par ses propres valeurs, et en s'opposant à toutes les influences, à toutes les pressions, je ne veux pas tout rappeler d'une histoire que chaque Sénégalais doit cependant connaître. Et quel Sénégalais ignore les difficultés qu'a rencontrées Ahmadou Bamba, les persécutions mêmes qu'il a subies de la part des autorités administratives. A toutes les menaces, à toutes les pressions, Ahmadou Bamba a résisté, simplement, sans ostentation, mais sans défaillance, maintenant la pureté de sa doctrine et son indépendance à l'égard des pouvoirs - cette indépendance à l'égard de César hors de laquelle aucune spiritualité ne peut s’épanouir.
Et la leçon d'Ahmadou Bamba ne s'arrête pas là. Car son attitude a porté ses fruits, que nous recueillons aujourd'hui. Son inflexibilité a fini par forcer l'estime et l'admiration de tous, et d'abord de ceux-là mêmes qui l'avaient suspecté et poursuivi. C'est pourquoi nous voyons, à chaque pèlerinage, et cette année encore, le gouvernement de la République française, en la personne de ses plus hauts fonctionnaires, apporter au souvenir d'Ahmadou Bamba son hommage et l'expression de son respect.
Touba est donc bien pour nous le lieu où a triomphé l'esprit de résistance et la dignité sénégalaise. A qui serait tenté de l'oublier, Touba rappelle que l’estime, même celle des adversaires, se mérite. Elle ne vient pas récompenser la servilité ou l'acquiescement systématique. Elle reconnaît la valeur de qui s'affirme, dans l'opposition s'il le faut. Toute personnalité qui maintient son intégrité, obtient sa reconnaissance. La dignité, qu'elle soit d'un homme ou d'un peuple, se conquiert, mais ne s'achète pas.
Toute l'œuvre d'Ahmadou Bamba, dans sa forme comme dans son fond, du point de vue littéraire comme par son contenu spirituel, est nourrie des mêmes valeurs et porte le même témoignage. Cette œuvre affirme et chante la négritude. Elle l’a chantée en Afrique et pour les Africains, bien avant que nos intellectuels de culture française l’aient retrouvée par le long détour des humanités occidentales et du retour au pays natal. Nègre, son œuvre l’est dans sa technique de la poésie, dans sa versification originale. Elle l’est dans son poème imagé, coloré, rythmé, qui rompt spontanément avec toutes les techniques étrangères, qu'elles soient de l'Occident ou de l'Orient, de l'Europe ou de l'Arabie. Elle est déjà, par cela seulement, un de nos premiers monuments littéraires, un des fondements de notre littérature nationale.
Et cette œuvre, si riche formellement, vaut encore plus par la doctrine qu’elle apporte. Car le mouridisme a repensé complètement l’Islam, dans le respect de l’orthodoxie, et selon le génie de notre peuple. Par cet effort doctrinal, l’Islam au Sénégal a cessé d’être une religion ‘importée’ pour devenir une religion populaire, une religion vraiment nationale incarnée au plus profond de nous-mêmes.
Pour toutes ces raisons que j'ai dites à Touba jeudi dernier, pour tous ces apports constitutifs de notre personnalité sénégalaise, nous considérons Ahmadou Bamba comme une des valeurs essentielles du nationalisme africain, et le mouridisme comme un élément fondamental de notre patrimoine culturel.
C'est pourquoi le pèlerinage de Touba est notre pèlerinage, à nous nationalistes sénégalais, et tel est le sens du témoignage que nous rendons lorsque nous participons à ce grand rassemblement et à cet acte de foi sénégalais.”
(Mamadou DIA,Septembre 1957)