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mardi 25 novembre 2014

LE SENS DE L'INJONCTION DU KHALIFE [A. Aziz Mbacké Majalis]


La récente adresse avant Magal de Cheikh Sidy Mukhtar, enjoignant à certains acteurs politico-religieux de ne plus utiliser Touba comme instrument de lutte contre le pouvoir en place, fait l'objet de plusieurs analyses et supputations. Pour notre part, nous en avons tiré les enseignements suivants :

1. En refusant que les visites de l'actuel Président de la République auprès de lui fassent l'objet de récupérations politiciennes (avec les huées préméditées et autres comportements embarrassants), le Khalife ne fait que rappeler une règle de base de l'Islam (sacralité de l'hôte, quel qu'il soit), du Mouridisme (dont le sens de l'hospitalité et du « berndé » est légendaire) et de notre pays (Téranga sénégalaise). Des valeurs élémentaires que certains acteurs politico-religieux, emportés par la fièvre du tiraillement politique et des intérêts partisans ont semblé avoir oubliées dans leurs luttes où tous les moyens sont désormais permis. En cela, Cheikh Sidy Mukhtar s'inscrit parfaitement dans la droite ligne de la tradition islamique et mouride que ses illustres prédécesseurs ont constamment taché de conserver, au-delà des vicissitudes politiques, envers leurs interlocuteurs et les représentants d'institutions qu'ils sont appelés à recevoir, qu'elles que soient la nature de leurs relations.

2. Vu sous cet angle, ce que le Khalife condamne fermement, c'est un choquant « mélange de genres » que nous avons, pour notre, toujours dénoncé dans nos publications. Un amalgame qui veut qu'aujourd'hui le Mouridisme soit appréhendé par certains acteurs politico-religieux littéralement comme un « parti politico-confrérique » dont ils ne se servent que pour combattre ou soutenir le pouvoir. Une idée que nous avions résumée dans un article fort controversé lors du retour de l'ancien président de la République au Sénégal (avril 2014), en ces termes :
« Dans ce contexte sociopolitique exacerbé à la fois par la traque des biens mal acquis, certains tâtonnements du régime actuel, l'absence d'une réelle vision prospective des populations, de plus en plus confrontées aux multiples difficultés d'un pays dit « Macky », sur leur devenir, des voix commencent à se faire entendre pour affirmer, au nom du Mouridisme, leur soutien à l’illustre visiteur. Soutien appelé à se manifester à travers un accueil fervent et sans précédent, à Touba et ailleurs, auquel tous les disciples de Serigne Touba seraient vivement conviés. Des communiqués sur les médias, des articles commandités et de nombreux posts sur Facebook de condisciples mourides semblant même accréditer, à nos yeux, l’idée que le PDS était finalement devenu le Parti Mouride. » (Voirhttp://majalis.seneweb.com/la-laquo-seule-constante-raquo-des-mourides-est-elle-wade-par-a-aziz-mbacke-majalis_b_17.html)

3. Toutefois, cette prise de position du Khalife, destinée à clarifier la nature des relations entre le leadership officiel mouride et le régime en place, ne remet nullement en cause, à notre sens, le droit des citoyens (mourides ou non) de contester, de s'opposer et de critiquer sévèrement l'action du Président de la République et de son gouvernement, selon l'appréciation objective qu'ils demeurent tout à fait libres d'en faire. La clarification du Khalife n'est donc fondamentalement ni une injonction pour ou contre le régime en place ou l'opposition. Les seules limites que nous semble rappeler Cheikh Sidy Mukhtar à ce droit citoyen et légitime de critique (qui d'ailleurs fait la force de la démocratie), c'est de ne pas le faire officiellement au nom de la communauté dont il préside aux destinées. Ni d'outrepasser, en le faisant, les règles de bienséance et les valeurs sacrées à la base de cette communauté.

4. L'avertissement du Khalife aux jeunes éléments du leadership mouride de ne plus s'exprimer urbi et orbi au nom de la communauté nous semble également s'inscrire dans ce sillage. En effet, le phénomène dit des « petits marabouts » (selon l'expression journalistique consacrée - à partir de quel âge ou comportement n'est-on plus considéré comme « petit » ;- ) dont les sorties intempestives sont surmédiatisées par une certaine presse, semble non seulement accroître les amalgames, mais risque, mal contrôlé et tendancieux, de dissiper davantage l'autorité centrale qui a toujours fait la force du Mouridisme. Car une chose est le droit pour tout membre de notre communauté de se soucier des dysfonctionnements du système et de les dénoncer au besoin (dans le cadre et dans les formes qui sied), mais une autre est de s'arroger le droit de le faire sans aucune retenue, sans tenir compte des règles de bonne conduite (Adab), sans le sens de la mesure, le respect de l'autorité et de l'institution qu'elle représente, tout en cédant aux règlements de comptes personnels dans lesquels l'intérêt général n'a absolument plus rien à voir. Pour mieux s'en convaincre, certains de ces acteurs, dépourvus d'une maturité intellectuelle suffisante, à note avis, devraient simplement s'interroger sur les conséquences à long terme de leur « liberté d'expression » sans limites et unanimement adoptée. En effet, si chacun d'entre nous se mettait à ameuter les médias (dont certains, « anti-mourides » notoires, n'attendent en réalité que ces occasions d'approfondir la zizanie et de susciter des velléités de contestation internes préjudiciables à l'unité et à la force des mourides, en leur offrant gracieusement leurs unes), à la moindre frustration qu'il aurait par rapport à certaines anomalies et comportements problématiques qu'il aurait notés dans notre communauté, il ne serait de route plus sure vers le chaos, les tiraillements infinis et l'auto-destruction. Tel que nous en avertit le Seigneur : « Obéissez à Allah et à Son messager; et ne vous disputez pas, sinon vous fléchirez et perdrez votre force. Et soyez endurants, car Allah est avec les endurants » (Coran 8:46) C'est donc une chose que de nous ouvrir davantage aux échanges et à l'autocritique nécessaire (Nasîha), mais c'en est une autre que de verser dans l'invective tendancieuse, les dénigrements mutuels et le déni d'autorité, par médias interposés.

Ceci est la modeste lecture que j'ai faite du message de Cheikh Sidy Mukhtar.

Yalla na ko fi sunu Boroom yaggal te may ko wer, te mu may ñu degg ak topp.

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