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jeudi 21 mai 2015

La vie et l’œuvre de Mame Thierno Birahim MBACKE "Ndamal Darou"

Mame Thierno Ibrahima Mbacké est né le quinze du mois de Gamou de l’année 1282 de l’Hégire à Porokhane (1862), mais certains auteurs s’accordent à situer sa naissance au jeudi 15 du mois lunaire de Rabi al Awal de l’an « charfadji », c’est-à-dire 1283 de l’Hégire, 1863 du calendrier grégorien. Il est le fils de Mouhamed (Serigne Mor Anta Sally), fils de Habib Allah, fils de Mame Maram fils de Mouhamed Al Khairy. Sa mère s’appelle Sokhna Faty Issa Diop, cousine de Mame Diarra Bousso, fille de Serigne Coki Ndiaga Issa, fils de Mokhtar Ndoumbé qui est d’après Cheikh Ahmadou Bamba, le vivificateur de l’Islam. Sokhna Faty Issa Diop est le premier disciple femme de Serigne Touba et est celle qui, selon Serigne Moustapha Saliou fils de Serigne Saliou Mbacké (PSL), croyait le plus à Serigne Touba.
     Le jour de sa naissance, Mame Mor Anta Saly, leur père commun félicitait notre Guide qui devait tout juste avoir dix ans, en ces termes : « félicitation pour la venue de ce nouveau né ( Mame Thierno), il sera ton bras droit, en qui tu trouveras ardeur et soutien pour le grand projet qui tepréoccupe tant.» Ainsi commençait le parcours commun de deux destinées extraordinaires, dont l’une a été créée pour servir l’autre, car pour Serigne Moustapha Saliou : « Mame Thierno Birahim Mbacké est le complément de Cheikh Akhamadou Bamba Khadimou Rassoul » qui consacra alors la première semaine de l’existence de Mame Thierno à faire le tour de la concession de Sokhna Faty Issa Diop, afin de solliciter auprès de DIEU, le Bienveillant, assurance et protection pour le nouveau né. Il donna à Borom Darou, un collier qui se transmettra de génération en génération.

À la disparition de leur père, Mame Thierno était encore un enfant ; lors de l’héritage, Cheikh Ahamdou Bamba avait dit : « je ne souhaite garder que le Livre saint et mon frère Birahim Mbacké ». Ce que Serigne Moussa Ka raconte en ces termes : « Kérok mirasma Bamba na Thierno moy sama waleu, bou amé mou doy ma.»  

Comme à l’image de notre prophète Mouhamed Rassoulilah (PSL) ayant ses fidèles compagnons de premières heures lesquels ont sacrifié leur vie et leur patrimoine, comme le destin des hommes du Très Haut qui connaissent souvent l’exil et la torture, Khadimou Rassoul avait signé un pacte sacré, choisissant de s’éloigner, d’être exilé et de résister par la patience et le wird, jusqu’à la sommité de la sainteté. Peut-on réussir une telle mission, sans réussir l’éducation de ses héritiers ?

Certainement pas, Serigne Touba  l’avait demandé à Allah et il avait la certitude et la conviction que Borom Darou Mouhty pouvait assurer la continuité de sa fondation. C’est-ce que nous raconte Serigne Bassirou Mbacké fils de Serigne Touba : «lorsque le décret divin est suivi du décret humain contenu dans le procès verbal du 28 septembre 1895, Serigne Touba avait déjà fait ses adieux et ses prières à ses fils aînés, et les a confiés à Mame Thierno Birahim ».

Fidèle lieutenant de son illustre frère Serigne Touba auprès de qui il fit ses humanités, Mame Thierno, comme l’a du reste rappelé Serigne Moussa Ka dans ses poèmes, a soutenu et épaulé Serigne Touba comme Aroun l’avait fait pour son frère prophète Moussa.

 Formation de Mame Thierno

De Mame Thierno, Serigne Touba disait : «c’est moi qui ai mis tous ce qui est en lui, sauf la dignité et le courage, Il les possédait déjà. » Exemple de piété, de droiture, de générosité d’âme et d’humilité, Mame Thierno était un digne, un sage et un homme d’action, soucieux du devenir des musulmans et des mourides, dont il était un soutien à la fois spirituel, moral et matériel. Il était sans conteste le grand combattant qu’augurait le commentaire de Cheikh Ahmadou Bamba, en disant :

«Au nom de Dieu le Clément, le Miséricordieux. Que le salut et la paix de Dieu le très haut soient sur notre Maître Mouhamad, ainsi que sur sa noble famille et ses vertueux compagnons. Nous sollicitons de Dieu le Juge, le Puissant, l’unique, de nous préserver de tout péril et de nous faire profiter de ses bienfaits. Qu’il bénisse notre disciple Ibrahima de l’enseignement que nous lui avons dispensé grâce aux œuvres que nous avons écrites après notre retour d’exil. Que Dieu, le Très Haut, par considération de la grandeur de celui sans qui rien n’aurai existé, Mouhammad(PSL), accorde à Ibrahima et à tous ses disciples un profit que nul n’obtiendra jamais, et cela est si aisé pour Dieu. Nous te recommandons la pratique de notre « Wird » et sa transmission. Quiconque aura reçu ce « Wird » de toi jouira d’un bonheur éternel. Signé : Le Serviteur du Prophète (PSL), Khadimou Rassoul» (Cf.Marsia Borom Darou)

Mame Thierno, un formateur

     Les missions, dont Cheikhoul Khadim le chargeait, étaient très sacrées à ses yeux et qu’il était prêt à brader sa propre vie pour les réaliser. Il a plusieurs fois manifesté la pleine mesure de son courage, de son mépris au danger et de sa soumission inégalée à son Maître. Un premier exemple est la manière héroïque dont il remplit son ambassade auprès du Gouverneur à Saint-Louis. Il l’a également démontré lors de la construction de la Cité Bénite de Touba. Selon Serigne Moussa Ka dans Marsia de Borom Darou : avant de créer le village de Touba, Cheikh Ahmadou Bamba MBACKE avait envoyé sur les lieux Borom Darou avec la mission d’y retourner la terre sur toute sa superficie cernée et de lui trouver des feuilles de tôle pour les besoins de la construction de cette demeure. Dans la foule de disciples, un d’entre eux avait osé mettre en doute la réalisation des désirs du Cheikh par geste ou réaction ; dans tous les cas, Borom Darou instinctivement et dans une colère visible a dit à l’endroit de ces derniers que « Serigne Touba ne demande jamais l’impossible et lui Borom Darou réalisera tout ce qu’il lui demandera de faire, par la grâce de Dieu ; il a fini par rapporter 1500 feuilles de tôle. »

     Ce courage si caractéristique de la personnalité de Mame Thierno n’était pas seulement physique, il était aussi moral et spirituel. Il ne se plaignait jamais, malgré les difficultés qu’il affrontait pour pourvoir aux besoins des disciples. Il a surmonté toutes les épreuves, sans négliger en rien, l’éducation et la formation des disciples de notre Maître. Citons quelques grands érudits formés à l’école de Borom Darou : Serigne Moustapha Mbacké (premier Khalif), Serigne Fallou Mbacké (deuxième khalif), Serigne Bassirou Mbacké, Serigne Makhtar Binta Lô, Cheikh Momar Seye (la lumière de Ndiambour), Cheikh Balla Thioro Mbacké, Serigne Mamadou Mbacké et Serigne Mor Rokhaya Bousso etc…

Le Gardien de l’orthodoxie mouride, un vulgarisateur de la pensée de Serigne Touba

Mame Thierno était aussi, le porte parole, chargé de transmettre les recommandations les plus importantes aux talibés. Parmi ces recommandations, cette fameuses correspondance de Cheikhoul Khadim :
« Aujourd’hui, occupe toi (Mame Thierno) en permanence de prières et de wird et ordonne à tous les disciples de s’efforcer à remplir leurs devoirs envers Dieu et d’abandonner toute autre chose. Ordonne aux grands disciples (les Cheikhs) de rester chez eux et de ne pas faire trop de déplacements, à la recherche de hadiya. Celui qui en a besoin peut se déplacer pour y subvenir. Sinon, il doit rester à sa place. Ordonne aux femmes de s’acquitter de la prière et de faire du bien autant qu’elles œuvrent. Ordonne aux enfants de s’appliquer à la lecture du Coran en vue de le savoir par cœur. Paix, Miséricorde de Dieu et sa bénédiction sur vous ».

Aussi veilla-t-il avec maestria, tact et surtout doigté à ce que la famille du Cheikh, composée de sa progéniture et de ses disciples, ne se départit, ne serait-ce que d’un iota, de l’esprit et de la lettre des enseignements du Sauveur de l’humanité. C’est d’ailleurs de là que lui est venu son titre de Gardien de l’orthodoxie mouride que tout le monde lui reconnaît. Vouant une profonde admiration à Serigne Touba à qui, il donnait de fortes sommes en guise de hadiya, n’ayant d’autre référence que le livre saint, Mame Thierno était de cette race de soufis qui avait su maintenir l’équilibre entre les deux pôles aux exigences, hélas contradictoires, que sont le spirituel et le temporel, les mondes intelligibles et sensibles, comme diraient sans doute les philosophes.

Il a fondé plusieurs villages dans le Cayor où l’on cultivait chaque année plusieurs tonnes de mil et d’arachide destinées à la famille de Khadimou Rassoul. Les plus célèbres de ces villages sont Kosso et Chicory. Partageant son temps entre les champs et les « daaras », ne tolérant aucune dérogation aux règles édictées par Serigne Touba, Mame Thierno a créé plus de 90 villages autour de Touba, de Darou Mouhty et élevé au grade de « Cheikh » plus d’une centaine de personnes (très populaires dans le Mouridisme). On peut citer parmi ces villages : Darou Marnane où il installa son fils Cheikha Awa Balla, Chikory où il installa Cheikh Ousmane Mbacké auquel succéda Serigne Modou Kara Mbacké, Kosso où son fils Mouhamadou Mbacké dispensait un enseignement réputé etc. Ces villages historiques ont à leur tour essaimé pour donner naissance à d’autres localités qui, elles aussi ont acquis un grand renom, citons : Darou wahab qui revient à Sokhna Maï Mbacké, fille de Khadimou Rassoul, Arafat légué à Serigne Moustapha Maï Mbacké, Darou Rahman, Médina, Sarsara fondés par Serigne Modou Awa Balla Mbacké. Mame Thierno et ses descendants n’ont fondé ces villages que pour démultiplier les enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba ; il s’agissait de porter le plus loin possible, à travers le pays, l’amour du travail et la soumission complète à Dieu.

Une reconnaissance et un renommé indiscutables

      La sagesse populaire veut qu’une réputation d’érudition ne puisse s’attacher à un individu que lorsque des érudits reconnus lui décernent ce label. De même, nul ne peut être valablement crédité d’une réputation de générosité tant que ses propres parents n’en attestent pas.
Mame Thierno était donc un Homme d’une rare générosité car à ce propos, les témoignages de ses parents, tout comme de nombreux particuliers qui ont bénéficié de ses largesses ne se comptent plus.
Ainsi Serigne Fallou Mbacké, deuxième Khalife, qui a recommandé la célébration du Magal de Darou Mouhty, disait : « je viens m’en ouvrir mes difficultés aux généreux donateurs de Darou Mouhty ; il est celui dont les qualités sont louées de partout. Sa générosité n’est jamais prise à défaut : elle est d’égale profondeur, au moment d »abondance comme en période de pénurie.»
Citons également le grand Maître Mohamed Al Deymani qui disait :« Ibrahima est celui qui n’a point d’égal, Généreux toute son existence, qu’il est bon, doté d’une érudition et dont la bonne conduite, l’accueil et la générosité profitent à tous, proches (parents) et étrangers».

       Pour garder sa dignité, Mame Thierno avait fait du travail son credo, de la foi sa protection, de la fidélité son viatique. Il a vécu à l’image de son Maître, une vie exemplaire à tout point de vue. Je ne doute pas un seul instant que cette âme, entièrement dévolue au triomphe de l’Islam, est au rang des Saints qui participent à l’accueil et à l’installation des bienheureux au Paradis.

Les correspondances de Cheikh  Ahmadou Bamba justifient ces propos, je peux en citer une : « Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Dès que ton regard (Cheikh Ibrahima) se posera sur ces mots, sois persuadé que leur auteur est pleinement satisfait de toi, d’une satisfaction que rien ne pourra plus gâcher. De même, l’auteur a sollicité auprès de Dieu Le Tout Puissant des faveurs que tes semblables envieront. Réjouis-toi alors et ne doutes point que tu obtiendras ces faveurs de ton Seigneur par mon intermédiaire. Dieu est le garant de mes propos. »

Que peut-on demander de plus lorsqu’on reçoit une telle assurance de l’incomparable Khadimou Rassoul ? On peut juste affirmer que ces grâces provenant de Dieu se sont étendues à ses successeurs qui se sont tous montrés à la hauteur de son héritage. Nous lui demandons, également, par l’intermédiaire de nos guides respectifs de nous réserver une part unique de ces grâces ainsi qu’à nos familles et condisciples.

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