Selon l’hagiographie mouride, le premier successeur de Cheikh Ahmadou Bamba
naquit le 11 du mois de Muharram de l’an 1306 de l’Hégire, à Darou Salam,
correspondant au 17 septembre 1888 de l’an romain. L’histoire rapporte qu’il fallut
aller à la quête du Cheikh qui avait à cette époque l’habitude de s’absenter pendant assez
longtemps dans la forêt avoisinante à la recherche du futur site de la ville de Touba. Les émissaires
le trouvèrent finalement au troisième jour de la naissance de l’enfant de Sokhna Aminata Lô dans
un lieu nommé Fétto sous une averse abondante.
Mouhamadou Moustapha Mbacké fut ainsi l’aîné des enfants du Cheikh restés vivants et le frère
utérin de Mouhamadou Lamine Bara Mbacké.
Il entreprit son étude du Coran auprès de son père
et dut, après le départ de celui-ci en exil en 1895, continuer ses études avec Serigne Ndame
Abdou Rahmane Lô puis avec son oncle Cheikh Ibra Faty jusqu’au retour de Cheikh Ahmadou
Bamba du Gabon. Il fut notamment partie des disciples qui rejoignirent le Cheikh à Saout-El-Ma, en
Mauritanie, et y demeura avec lui jusqu’en 1907. Il l’accompagna aussi à Thiéyène et ne s’éloigna
significativement de son voisinage qu’après le retour définitif de celui-ci à Diourbel en 1912 lorsqu’il
reçut l’ordre de fonder à 6 km de Touba le village de Husnu-l Mahâb qui n’était en ce temps qu’un
petit hameau de Peulhs transhumants appelé Tindôdi. Il fut en 1921, partie de la compagnie du
Cheikh à Dakar lorsque celui-ci y alla répondre à une invitation du Gouverneur Général de l’A.O.F.
C’est à lui aussi que son père remit sa participation de 500 000 au relèvement du Franc français.
Durant toute la période de coexistence avec son père et maître, Cheikh Mouhamadou
Moustapha se distingua par un dévouement et une détermination, dans le service qu’il lui
consacrait, tels qu’il arriva souvent au Cheikh de mettre publiquement en exergue son
engagement et son esprit de sacrifice que tout disciple lui enviait. On ne comptait pas les copies
de mémoires du Saint Coran que le fils effectua pour le père ni les tonnages de récolte dont il lui fit
don.
Lors du rappel à DIEU du Serviteur du Prophète, le 19 juillet 1927, Cheikh Mouhamadou Moustapha
fit une fois de plus montre de ses vertus de lucidité et de tempérance, après avoir personnellement
constaté le décès, en organisant dans une discrétion absolue son inhumation à Touba, selon les
vœux du disparu.
Après sa désignation le 25 juillet 1927, le premier Calife du assurer la relève en s’attelant
particulièrement à la construction de la Mosquée de Touba; projet qui tenait réellement Cheikh
Ahmadou Bamba à cœur. Malgré des débuts marqués par des difficultés de tous ordres, dont la
plus dure fut assurément l'opposition de nombre de dignitaires de la Communauté à son califat,
Cheikh Moustapha s’avéra rapidement être un Calife de grande intelligence soutenue par une
vaste culture et une conformité sans faille aux enseignements du Cheikh se traduisant notamment
par un courage, une dignité et une générosité qui resteront légendaires.
C’est lui qui, à la disparition de leur père, s’était chargé de l’éducation de presque tous ses frères
et sœurs. Beaucoup d’entre eux vécurent avec lui et le Calife n’épargna, selon les témoignages
de ses frères mêmes, aucun effort pour leur bien-être allant même jusqu’à leur désigner, une fois
devenus adultes, leur premier lieu d’installation en ne manquant jamais de leur fournir l’aide
matérielle nécessaire aux premiers pas dans la vie. Ce fut également un excellent administrateur,
un authentique homme de terrain . En 1928, il obtint l’immatriculation d’un terrain de 400 hectares
sis à Touba et demanda, au début de 1929, l’autorisation de reprendre la construction de la
Mosquée dont l’irresponsabilité et la cupidité de l’Administrateur Occidental désigné avaient mis
les travaux en cause. A l’issue d’un long procès à rebondissements dans les tribunaux parisiens,
l’Administrateur Tallerie eut injustement gain de cause et la communauté mouride se vit contrainte
de lui payer la somme faramineuse de 250 000 francs comme dommages et intérêts pour dédit et
préjudice sur rupture de contrat. D’autres obstacles auxquels le chantier de la Mosquée eut
bientôt à faire face furent : l’acheminement du matériel de construction à Touba face à
l’inexistence de réseau de communication, la rareté des matériaux tels que la latérite dans cette
zone, la profondeur de la nappe phréatique (à plus de 25 m) posant de façon cruciale le
problème de l’eau etc. La découverte de la carrière de Ndock, à une dizaine de kilomètres au Sud
de Touba, permit de résoudre le problème de la latérite. L’engagement total de dizaine de milliers
de volontaires, le dévouement indescriptible de milliers de jeunes, femmes et adultes travaillant
plus de 18 heures par jour, transportant dans des paniers posés à même la tête ou sur charrettes
d’énormes blocs de pierres sur une dizaine de kilomètres, toute cette formidable énergie déployée
dans la sueur et dans le sang (car on ne compta pas alors les décès) accélèrent l’achèvement des
fondations et l’empierrement de la plate-forme de la future mosquée.
Pour résoudre le problème des voies de communication Cheikh Mouhamadou Moustapha
entreprit, malgré l’incrédulité des autorités publiques, le financement et la réalisation sur fonds
propres d’un tronçon d’une cinquantaine de kilomètres de voie ferrée qui allait relier Diourbel à
Touba via Mbacké à partir d’un embranchement du Dakar-Niger. Avec toujours la détermination
extraordinaire de milliers de disciples, des "Baye Fall" sous le commandement de leur Calife Serigne
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Moustapha Fall, fils aîné de Cheikh Ibrahima Fall, la durée de réalisation de cette initiative inédite
dans l’histoire pulvérisa toutes les prévisions et fut achevée en un an et quelques mois. Ce succès
éclatant accéléra de façon impressionnante l'unité et l'unanimité qui, déjà, faisait jour autour de sa
personne façonnant ainsi durablement l'organisation de la Mouridiyah après la disparition du
Cheikh.
Au point de vue économique, l’âme profondément paysanne de Cheikh Moustapha alliée à un
esprit d’entreprise et d’organisation élevé permirent à la communauté mouride de produire des
résultats agricoles considérables. Ainsi la production arachidière qui était estimée aux environs de
20 000 tonnes au début des années 30 passera en 1937/38 à 75 000 tonnes soit une progression
marginale de 275%. Le Chantier confié à la Société des DRAGAGES, il fut officiellement procédé à
la pose de la première pierre de la Mosquée le vendredi 4 mars 1932. Mais, malgré la célérité des
travaux, les années de peste meurtrière, la récession mondiale des années 30 se jugulant aux
perturbations de la seconde guerre ralentirent considérablement leur progression. Et c’est dans ce
contexte de profonde crise et de graves difficultés économiques que s’éteignit le vendredi 13 juillet
1945 (3 Sha'bân 1364 H) Cheikh Mouhamadou Moustapha confiant à ses suivants la perpétuation
de l'œuvre colossale entreprise pendant plus de 18 ans. Mais s’il reste à jamais vrai que DIEU TRESHAUT
ne peut oublier la rétribution de ceux qui combattent "avec leurs biens et leurs personnes" sur
Son sentier, Mouhamadou Moustapha aura alors mérité son Agrément et son Election, la
Reconnaissance du Prophète de l’ISLAM (PSL) et celle de Khadimou Rassoul.
Mieux, tous ceux qui, aujourd’hui, se réclament du Serviteur du Prophète ou toute personne tenant
sincèrement au rayonnement de la Parole de DIEU TRES-HAUT sur terre doit une fière chandelle à
ce Digne Socle de l'Edifice de la Foi et de la Vertu…
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