La mosquée Massalikoul Djinane, à Dakar en septembre 2014. Proche d’une gare routière et d’un marché qui déborde dans les rues environnantes, Colobane est un quartier populaire et animé de Dakar. À proximité d’un immeuble du Parti socialiste de Sénégal (membre de la coalition du président Macky Sall), des palissades de tôle laissent entrevoir un immense chantier : la confrérie musulmane des mourides – la deuxième plus importante du Sénégal après celle des tidjanes – a entrepris de construire « la plus grande mosquée d’Afrique de l’Ouest », sur un terrain sablonneux de 6 hectares. Il a été donné par l’Etat du Sénégal, officiellement laïque. À ceux qui y verraient un paradoxe, un porte-parole mouride a résumé la situation en 2012, lorsque les travaux ont débuté : « Le mouridisme et l’Etat sénégalais sont comme les deux cornes d’un bœuf : elles ne se rencontrent pas mais sont inséparables. »
Pour franchir la palissade, les hommes doivent être revêtus d’un boubou ; les femmes sont priées de cacher leur chevelure sous un foulard et leur pantalon sous une longue jupe, quitte à les emprunter moyennant pourboire. Une fois la porte poussée, un gigantesque ensemble de voûtes surmontées de trois coupoles se dessine au loin, sous des échafaudages. L’ambition mouride se mesure au nombre de minarets : ils sont cinq, soit deux de moins seulement que ceux de la mosquée sacrée de La Mecque. Le plus haut culmine à 78 mètres (11 mètres de plus que le seul et unique minaret de la grande mosquée de la médina de Dakar), les autres à 45 mètres.
« Ces minarets ont été réalisés par une entreprise suisse spécialisée en coffrage glissant, une technique utilisée pour la première fois au Sénégal. Il a fallu trois semaines de travail, nuit et jour, pour les terminer », indique l’ingénieure en génie civil Marianne Tall, l’une des trois seules femmes du chantier, où s’activent 250 ouvriers, quasiment tous sénégalais. « Auparavant, ajoute à ses côtés le chef de chantier Abdou Khadre Fall, il a fallu stabiliser les fondations à 22 mètres de profondeur et enlever des tonnes de sable. »
Pour franchir la palissade, les hommes doivent être revêtus d’un boubou ; les femmes sont priées de cacher leur chevelure sous un foulard et leur pantalon sous une longue jupe, quitte à les emprunter moyennant pourboire. Une fois la porte poussée, un gigantesque ensemble de voûtes surmontées de trois coupoles se dessine au loin, sous des échafaudages. L’ambition mouride se mesure au nombre de minarets : ils sont cinq, soit deux de moins seulement que ceux de la mosquée sacrée de La Mecque. Le plus haut culmine à 78 mètres (11 mètres de plus que le seul et unique minaret de la grande mosquée de la médina de Dakar), les autres à 45 mètres.
« Ces minarets ont été réalisés par une entreprise suisse spécialisée en coffrage glissant, une technique utilisée pour la première fois au Sénégal. Il a fallu trois semaines de travail, nuit et jour, pour les terminer », indique l’ingénieure en génie civil Marianne Tall, l’une des trois seules femmes du chantier, où s’activent 250 ouvriers, quasiment tous sénégalais. « Auparavant, ajoute à ses côtés le chef de chantier Abdou Khadre Fall, il a fallu stabiliser les fondations à 22 mètres de profondeur et enlever des tonnes de sable. »
Les chemins du paradis
Dans cette mosquée baptisée Massalikoul Djinane (Les chemins du paradis), quelque 10 000 fidèles pourront venir prier en même temps : 7 000 hommes dans la grande salle et 3 000 femmes dans l’espace voisin plus réduit, assure Abdou Khadre Fall. Sans compter les 20 000 autres fidèles que pourra accueillir l’esplanade lors des grandes fêtes religieuses.
« Plus qu’une mosquée, ce sera un complexe », rectifie Babacar Mbaye, l’un des responsables des mourides de Dakar. Il comprendra à terme un institut d’études islamiques équipé notamment d’une salle de conférence de 2 200 places ainsi qu’une vaste résidence, où le calife général des mourides, Serigne Sidy Mokhtar Mbacké, pourra recevoir ses invités.
Basé à Touba, la « capitale » des mourides située à près de 200 kilomètres à l’est de Dakar, le calife s’était plaint, un an plus tôt, de la lenteur des travaux, lors d’une visite du chantier. Tout le monde a alors mis les bouchées doubles. « Le gros œuvre de la mosquée est presque terminé », assure le chef de chantier. Les menuiseries et boiseries seront confiées à des Marocains, les céramiques à des Turques, les marbres à des Italiens et les éclairages à des Allemands. Pour une inauguration prévue fin 2015.
Un financement sénégalais
Dans un bâtiment proche de l’entrée du chantier, Balla Gning, ex-conducteur d’engins à la retraite, reçoit les donateurs venus de partout. Versement minimum : 5 000 francs CFA (7,60 euros). Selon les dernières estimations, le complexe devrait coûter 22 milliards de francs CFA, soit 30 millions d’euros, dont un tiers versé par le calife général.
Sur le chantier, le record des dons perçus en une journée est de 200 000 euros (le 25 mars 2014, lors de la journée portes ouvertes du chantier), en comptant l’argent collecté sur le marché et dans les rues. Tous les responsables assurent que le financement sera sénégalais et non pas étranger. Les temps changent : la construction de la grande mosquée de la médina de Dakar, inaugurée en 1964 et fréquentée actuellement par toutes les confréries, avait été payée par le roi du Maroc.
« Le fondateur du mouridisme, l’érudit sénégalais Ahmadou Bamba Mbacké [ou Cheikh Amadou Bamba], mort en 1927, avait dit que quiconque contribue à la construction d’une mosquée dans ce pays ira au paradis », explique le sociologue Kaly Niang.
Les marabouts
Il décrit une confrérie très hiérarchisée, où les ordres (ndiguel) du calife, relayés par les marabouts, sont exécutés sans contestation, où les valeurs mises en avant sont celles de l’effort, de l’ordre, de la discipline et surtout du travail, sacralisé. La devise est : « Travaille comme si tu ne devais jamais mourir et prie comme si tu devais mourir demain. »
Si le Sénégal est aujourd’hui l’un des pays africains où l’économie informelle est la plus développée – et constitue de ce fait une concurrence déloyale au secteur privé qui paye ses taxes -, c’est en bonne partie aux mourides qu’elle le doit, rois et maîtres dans les transports, les taxis, l’agriculture ou les babioles.
Avec le soutien indéfectible de la diaspora mouride implantée partout, jusqu’en Chine, et regroupée en « dahiras » qui rivalisent aussi de dons pour la nouvelle mosquée.
Résistance pacifique à la colonisation
La confrérie, qui a bâti au départ sa fortune sur l’arachide, principale exportation sénégalaise, n’a pas oublié que son fondateur, Cheikh Amadou Bamba, a incarné une résistance pacifique à la politique d’acculturation du colonialisme français.
Aujourd’hui, selon les estimations du président Macky Sall, un quart des enfants sénégalais, dont la majorité parle le wolof, fréquentent une école coranique où ils n’apprennent que l’arabe à travers le Coran, et où trop de marabouts les contraignent à la mendicité.
« Le référentiel a changé à partir de la fin des années 1980, constate le sociologue Kaly Niang. Le modèle de réussite n’est plus forcément de passer par l’école publique en français et les études. Les premiers milliardaires en francs CFA, quasiment analphabètes, sont des mourides partis de rien, ou de la vente de quelques poulets. »
« Rempart contre les intégrismes »
L’Etat sénégalais s’accommode de cette économie parallèle. Pour le président Macky Sall, les confréries, parce qu’elles pratiquent un islam soufi modéré, constituent « un rempart contre les intégrismes ». « Nous nous battons de toutes nos forces pour que cet islam modéré soit préservé, en parfaite cohabitation avec les minorités catholique et animiste », ajoute-t-il.
Moins nombreux que les tidjanes, les mourides forment cependant la confrérie la plus puissante du Sénégal, avec ses quatre millions de disciples revendiqués, soit un quart de la population du pays. Aucun élu, président ou pas, ne peut ignorer ses voix.
Martine Jacot
les mourides du senegal
RépondreSupprimerdieuredieuf serigne touba pour nous avoir rendu notre indépendance
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