mardi 17 novembre 2015

[Grand Reportage France 24] Effervescence à Touba pour le Grand Magal

À Touba, ville du centre du pays, c’est le temps du Grand Magal, commémorant le départ en Exil de Cheikh Ahmadou Bamba; le fondateur du Mouridisme. Nos Observateurs nous font découvrir ce moment de partage pour les musulmans africains.

À l’entrée de Touba, des milliers d’hommes et de femmes avancent lentement à bord de voitures, bus bondés ou charrettes. Parfois, ce sont des heures de bouchons qui attendent les pèlerins devant les lieux cultes mourides. C’est la 118e édition du Magal (ou grand pèlerinage), entre le 1er et le 3 janvier.

La confrérie musulmane soufie des mourides est l’une des plus influentes au Sénégal. Rassemblés à Touba, considérée comme "La Mecque de l’Afrique", ses disciples célèbrent l’exil forcé au Gabon, en 1895, de Cheikh Ahmadou Bamba.

À l’issue de son exil, il avait demandé à tous ses disciples de se réunir chaque année pour commémorer les valeurs du mouridisme. Ils affluent donc en ce moment vers le mausolée de cette figure sénégalaise.

Chaque année, Touba devient pour quelques jours un centre de partage et de solidarité. Cette fois, environ deux millions de personnes sont attendues.


"J’ai fait huit heures de trajet pour rejoindre Touba"

Khalil Mbaye est un comptable de Dakar. Il a entrepris en voiture les 200 kilomètres séparant Touba de la capitale, malgré les embouteillages.
"J’ai quitté Dakar dimanche dans la soirée parce que je pensais éviter le trafic. J’ai pourtant mis huit heures pour rejoindre Touba alors qu’il ne faut que deux heures en temps normal. Les embouteillages étaient tellement importants que j’ai mis plus d’une heure pour faire les 26 derniers kilomètres.
J’ai 28 ans et je viens depuis que j’ai 11 ans à Touba. Tous les musulmans du Sénégal doivent y aller. Le Magal est un moment de retrouvailles où il n’y a pas de ségrégation religieuse : toutes les mouvances, soufies ou non, peuvent assister à la fête sans discrimination. Même les hommes politiques du pays viennent s’exprimer ici, parce qu’ils savent que c’est un lieu incontournable pour des millions de fidèles. C’est avant tout un moment de réflexion."
Les Sénégalais embarquent souvent à plusieurs pour se rendre à Touba. Photo Twitter Antoine Mian.
"Voir le mausolée du Cheikh reste l’un des plus beaux moments de ma vie"

"La première fois que j’ai visité le mausolée du Cheikh Ahmadou Bamba reste l’un des plus beaux moments de ma vie. La ferveur qui entoure le Magal est un moment unique. Pendant les journées, nous récitons le Coran, dès 6 heures du matin jusqu’à la tombée de la nuit, et nous entonnons des chants religieux. On organise aussi des débats sur l’état économique et social du pays et on se recueille sur les tombes des khalifes.

Ce que je constate, c'est que l'oeuvre du Cheikh dépasse la communauté mouride.Cette année, j’ai dépensé environ 15 000 francs CFA (22 €) pour financer mon déplacement. Je garde également une somme pour l’organisation de la fête sur place et j’achète des ouvrages religieux qui sont édités spécialement pour cette occasion."

"Les habitants de Touba accueillent leurs proches mais aussi des inconnus chez eux"
Racine Thiam est professeur d’anglais. Il habite à Mbacké, ville originaire du Cheikh Ahmadou Bamba, dans la banlieue de Touba.

"Le Magal est un moment important pour la vie économique de la ville. L’arrivée massive de pèlerins ne perturbe pas la vie quotidienne car les commerces sont préparés. La nourriture est distribuée gratuitement sans distinction dans les rues, on y tue des centaines de bœufs pour nourrir la population. Le seul point noir de ces quelques jours, c’est le trafic.


À Touba, il est en temps normal interdit de fumer. Mais autour de cet évènement, des vendeurs de tabac à la sauvette se multiplient. Ils sont réprimandés par la police s’ils se font attraper."

"Je laisse ma chambre aux pèlerins et je dors par terre dans ma véranda"
La ville est en effervescence durant le pèlerinage et les maisons sont bondées. Chaque famille accueille ses proches, les amis de ses proches, et souvent même des inconnus. La solidarité est une valeur centrale de ce pèlerinage, ça amène les gens à se rencontrer.
J’ai moi-même décidé de ne pas me rendre en centre-ville cette année pour accueillir les pèlerins chez moi. Je loge une dizaine de personnes qui déposent leurs bagages la journée et viennent dormir le soir. J’ai même libéré ma chambre pour eux. En attendant, je dors par terre, sur un matelas, dans ma véranda."

Ce billet a été rédigé avec la collaboration d'Alexandre Capron (@alexcapron), journaliste à FRANCE 24.

Source: http://observers.france24.com/fr

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